Notre véhicule, longue case roulante, s’embourba aussi souvent qu’il le put.
La cinquième fois, nous frisâmes la tragédie.
Notre véhicule restait le nez sur le bord du ravin, obstruant la chaussée de toute sa longueur. Aussi, deux files de voitures et de camions se formaient à l’avant et à l’arrière- si seulement nous avions encore un avant et un arrière- et par de vigoureux coups d’avertisseur, des cris et des injures, leurs chauffeurs exprimaient plutôt clairement leur désir de nous voir dégager la chaussée. Kritikos, à la fin, sortit sous la pluie, claquant sa portière, et par des gestes, des hurlements, des jurons et autres accessoires, fit comprendre à ses collègues qu’il n’était en rien responsable de ce qui lui arrivait. Les chauffeurs se concertèrent ; on les vit longtemps groupés sur la chaussée ; la pluie ruisselait sur leurs imperméables kaki. Ils décidèrent d’abord de délester le car en détresse de ses passagers. Nous nous traînâmes dans la boue de latérite et allâmes nous réfugier dans les cases d’un hameau sis sur le bord de la route. Je ne puis dire comment ils s’y sont pris pour remettre la vieille bête dans le droit chemin. Toujours est-il qu’au bout d’une heure d’attente, nous vîmes notre véhicule déboucher lourdement, titubant sur la latérite glissante, grognant de vieillesse et de résignation.
Mongo BETI, Mission terminée