INTRODUCTION
Une chose est problématique lors qu’elle pose un problème c’est-à-dire lorsqu’elle soulève une opposition, une contradiction entre deux positions.
C’est pourquoi l’idée d’une philosophie africaine est objet d’une controverse entre deux concepts : l’euro philosophie et l’ethnophilosophie.
Les tenants de l’euro philosophie soutiennent qu’il n’existe en réalité de philosophie qu’en occident. Dans cette perspective, on voit alors que la réflexion philosophique semble être l’exclusivité non seulement de la cité grecque mais aussi de la culture occidentale.
Le continent africain dès lors est exclu du domaine de la pensée philosophique. Les occidentaux, pour des arguments qu’ils tiennent de la philosophie ne peuvent pas reconnaitre l’idée d’une philosophie propre à l’Afrique. Une question alors se pose : peut-on parler de philosophie Africaine ? Autrement dit les Africains peuvent-ils vraiment produire ce qu’on appelle philosophie au sens propre du terme ?
I. La thèse exclusive de l’occident de la philosophie
Pour l’occident, l’idée d’une philosophie Africaine est inacceptable car il n’y a de philosophie que dans l’espace occidentale. Dans la mesure où :
Si on remonte l’histoire de la naissance de la philosophie, on retient que celle-ci est née dans la Grèce antique. C’est en tout cas le point de vue de PLATON lorsqu’il affirmait cette phrase : « la philosophie est fille de la cité grecque. » HEIDEGGER renchérit : « la philosophie est grecque dans son être même. »
- Par essence, la philosophie représente pour les philosophes occidentaux est une réflexion critique, un esprit d’analyse et rationnel.
De ce point de vue, pour l’euro-philosophie, il n’existe pas de philosophie africaine s’il en est ainsi. Pour eux la marque distinctive de l’homme africain, c’est l’irrationnel. Il a une tendance forte à expliquer les faits non pas sur une base rationnelle mais mystérieuse, magique et religieuse. Or ceux-ci ne sont pas de la philosophie. Dans cette perspective HEGEL écrit : « l’africain, c’est l’homme naturel dans toute sa sauvagerie ; on ne peut rien trouver dans son caractère qui rappelle un homme ».
Il ajoute justement que : « le continent africain est le pays de l’enfance qui, au-delà du jour de l’histoire consciente s’est enveloppé dans la couleur noir de la nuit ».
De manière plus précis pour Hegel c’est l’obscurantisme, l’ignorance, l’inconscience qui sont les caractères de l’homme Africain : « l’Afrique est une terre de barbarie qui n’a ni histoire ni de civilisation ».
Aujourd’hui, on dirait que l’histoire semble donner raison à ces occidentaux car malheureusement le constat pour l’Afrique c’est qu’elle est prisonnière des sentiments de l’intérêt individuel, de mentalité arriérée qui ne sont pas porteuses de développement et de modernité. Donc l’Africain est trop sentimental, émotionnel. SENGHOR n’a pas dit autre chose que cela : « la raison est hellène, l’émotion est nègre ». Dans ce même ordre d’idée on peut dire alors que l’esprit critique, l’analyse désintéressée n’est pas une force de l’africain. Par conséquent, il ne peut pas philosopher comme soutient Hegel encore : « la philosophie par définition refuse d’être prisonnier des sentiments. »
II. L’ethnophilosophie ou la défense d’une philosophie africaine
L’ethnophilosophie est un concept composé de deux mots ethnos qui veut dire ethnie, peuple, tradition, sagesse, culture… et philosophie qui est entendu ici comme une vision du monde. Dès lors, démontrer l’idée d’une philosophie Africaine pour les ethno-philosophes c’est se référer, se fonder sur l’ethnophilosophie qui est la preuve que nous avons une conception du monde, donc une philosophie. D’ailleurs cette idée, Tempels l’a déjà évoquée et prouvée dans son ouvrage célèbre La philosophie Bantoue. A sa grande surprise, il découvre contrairement à ce que pensent les euro-philosophes que la société Bantoue est très organisée avec une bonne hiérarchisation. Ils ont un chef, une classification des âges respectés par tous. Ils ont des croyances, un ensemble de sagesse qui leur permettent de structurer leur vie en groupe. De ce point de vue sans aucun doute, l’Afrique à sa manière à elle de comprendre, de juger et de voir l’univers. Celle-ci trouve son fondement à ce que l’Afrique a de particulier à savoir ses traditions ancestrales, ses valeurs, ses coutumes. Une idée que le philosophe sénégalais Alassane Ndao confirme dans son ouvrage intitulé Pensées Africaines : « l’Afrique a une philosophie dont le fondement est à chercher dans les traditions et sagesse africaines. » De même dans son ouvrage intitulé Comment philosopher en Islam Souleymane Bachir Diagne écrit : « la philosophie n’est l’expression d’aucune culture, d’aucun peuple. » Ce philosophe sénégalais montre par-là que la réflexion philosophique en réalité se veut universelle et qu’elle n’est l’exclusivité d’une seule société. En tout cas les philosophes comme Théophile Obenga, Alexis Kagamé sont convaincus que l’Africain sait philosopher. Dans le même ordre d’idée, la signification des quatre touffes de cheveux de « kocc Barma » nous éclaire d’avantage que l’Afrique possède un ensemble de sagesse, de mode de vie, de conduite qui n’ont rien à envier de ceux des présocratiques. Mais certains philosophes comme Marcien Towa rejettent l’idée de la thèse de l’ethnophilosophie. Il pense que puisque la philosophie se définit dans l’esprit critique ; elle est censée remettre en cause les traditions et coutumes en les soumettant au tribunal de la raison. Towa pense qu’il ya une contrainte dans le concept d’ethnophilosophie. On ne peut pas dans les principes s’appuyer sur l’ethnos pour prouver l’existence d’une philosophie. N’est-ce pas c’est Towa qui disait : « la philosophie ne commence qu’avec la décision de soumettre l’héritage culturel, traditionnel à une critique sans complaisance. ». Le philosophe Camerounais invite les ethnophilosophies s’ils veulent faire de la philosophie à interroger d’abord les sagesses Africaines à les rationaliser, à les questionner parce que dans la plupart des cas elles sont mystérieuses et irrationnelles et ne sont pas porteur de développement. Selon Towa l’urgence pour l’Afrique c’est ne pas en réalité la problématique d’une philosophie Africaine, mais plutôt la question du développement, la modernité du continent qui de plus en plus s’enfonce dans son passé traditionnel. Mais est ce que cette vision de Towa est la même que Cheikh Anta Diop ? L’Afrique n’a-t-elle pas une philosophie d’autant plus que tout est parti de l’Egypte ?
III. La position de Cheikh Anta Diop
Le débat entre l’euro philosophie et l’ethnophilosophie est faux car la philosophie en réalité est d’origine égyptienne. N’est-ce pas Cheikh Anta Diop qui disait que : « l’Afrique est le berceau de l’humanité ». Dans le même ordre d’idée elle est aussi le berceau de la civilisation de la connaissance, toute est parti de l’Egypte pharaonique. Cheikh Anta à ce propos confirme encore : « Aucune pensée, aucune idéologie n’est par définition étrangère à l’Afrique qui fut la terre de leur enfantement ». Dans cette perspective peut-on réellement refuser à l’Afrique l’existence d’une philosophie ? La Grèce peut-elle à elle seule s’approprier de la pensée philosophique ? En tout cas pour l’historien sénégalais : « toute la pensée grecque depuis Poème Héroïde au 17em siècle avant J-C jusqu’à Aristote en passant par les présocratiques sorte la marque de la cosmologie égyptienne ». Il veut montrer par-là que toute la philosophie occidentale dans sa généralité est fortement influencée dans sa systématisation par les sagesses égyptiennes. De ce point de vue Cheikh Anta donne la preuve à cette affirmation : « Il ya 25 siècles savants et philosophes grecques allaient s’instruire en Egypte ». C’est le cas de Platon, Thalès et Pythagore pour ne citer que ceux-là. L’universitaire sénégalais est convaincu que la philosophie grecque est une copie, une reproduction du savoir égyptien. Selon l’égyptologue, au contraire ces grands philosophes grecques se sont inspirés de l’Egypte donc de l’Afrique qui fut la terre à partir de laquelle la connaissance s’est développée partout dans le monde. Hegel n’a pas raison de nier une raison africaine il a tort de nous prendre comme des barbares sur tout comme écrit CHEIKH ANTA : « à une époque où la race blanche était plongée dans la barbarie, le nègre égyptien inventé la technique ». Le chercheur sénégalais au-delà de la problématique d’un philosophe Africaine veut donner sa position à l’Africain sa dignité d’homme.
Le combat de Cheikh Anta c’est que l’Africain doit être fier de son Africanité. Il veut conscientiser le peuple
Africain afin qu’il s’inspire de son passé glorieux pour construire une Afrique moderne, unie et développée