Les sauterelles
Les sauterelles arrivaient. Elles n’étaient pas venues depuis maintes années. Seules les vieilles gens les avaient déjà vues.
Alertés, les hommes, les femmes et les enfants abandonnèrent leur travail ou leurs jeux et coururent dehors pour contempler le spectacle inhabituel.
Au début, il en vint une masse assez réduite. C’était l’avant-garde envoyée pour reconnaître le pays. Puis apparut à l’horizon une masse au lent mouvement, comme un rideau de nuages noirs sans limites. Bientôt, il recouvrit la moitié du ciel et la masse compacte était maintenant divisée par de petits yeux de lumière, comme une poussière d’étoiles brillantes. C’était une vision fantastique, pleine de puissance et de beauté.
Tout le monde était maintenant là. On souhaitait que les sauterelles compassent à Umuofia pour la nuit car, bien qu’elles n’eussent pas rendu visite à notre village depuis de nombreuses années, chacun savait par instinct que ces bêtes étaient bonnes à manger.
Enfin, elles se posèrent sur les arbres et les herbes. La nuit, elles s’installèrent dans les buissons. Leurs ailes devinrent humides de rosée. Alors tout le village sortit en dépit de la fraîcheur de l’harmattan. Chacun remplit ses sacs et ses pots de sauterelles.
D’après Chinua Achebe, Le monde s’effondre