Sujet 2
Je leur ai donné ma vie, elles ne me donneront pas une heure aujourd’hui. Taï solf, fa tain, le car me brûle, elles ne viendront pas rafraîchir mon agonie, car je meurs, et je le sens. Malheureusement, elles ne savent donc pas ce que c’est que de marcher sur le cadavre de son père. Il y a un dieu dans les cieux, nous vengeons malignes nous, nous autres pères. Elles viendront / Venez mes chères, venez encore me bénir, un dernier baiser, le vœu pieux de votre père, qui priera Dieu pour vous, qui dira que vous avez été de bonnes filles, qui intercédera pour vous. Après tout, vous êtes innocentes. Elles sont innocentes, mon ami. Dites-le bien à tout le monde, qu’on ne les inquiète pas à mon sujet. Tout est de ma faute, je les ai habituées à me fouler aux pieds. J’aimais cela, moi. Ça ne regarde personne, ni la justice humaine, ni la justice divine. Dieu serait injuste de les condamner à cause de moi. Je n’ai pas su me conduire, j’ai la faiblesse d’abdiquer mes droits, je me serais battu pour elles. Que voulez-vous ? Le plus beau naturel, les meilleures âmes auraient succombé à la corruption de cette tendre paternelle. Je suis justement puni. Mon seul péché a causé les désastres de mes filles, je les ai gâtées. Elles veulent jouer et placer, comme elles le voulaient autrefois du berceau, je leur ai toujours permis de satisfaire leurs fantaisies de jeunes filles. À quinze ans, elles valaient mieux. Rien ne leur a résisté. Moi seul suis coupable, mais coupable par amour.
Balzac, Honoré de (1837) (Le Père Goriot. Bruxelles: Meline, Cans et compagnie, Faites le commentaire suivi ou composé de ce texte. p.595.)
Dans le cadre d’un commentaire composé, vous montrerez d’abord comment le père Goriot souffre de l’absence et de l’abandon de ses filles ; ensuite, comment son amour excessif à leur égard a conduit à cette situation.