Cette étude qui a pour objet de proposer une lecture de L’Etranger d’Albert Camus est une interprétation de divers symboles par lesquels il cherche à représenter son système philosophique ou précisément celui qu’il met en œuvre dans Le Mythe de sisyphe. Il n’est pas superflu de rappeler que L’Etranger comme une mise en image du mythe sisyphe. Si dans ce dernier ouvrage il tente de donner claire conscience du concept d’absurdité dans le premier, il s’agit de « dévoiler » absurdité du monde, de susciter le sentiment de l’absurde dans le but de provoquer une réaction en sa présence, un état d’esprit qu’il désigne par terme de révolte. Par rapport à ce double objectif, il met en contribuer ses talents de romancier (technique), du récit et de styliste (technicien) de langue.I-BIOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE
1- La biographie
Albert Camus est né le 07 Novembre 1913, à Mondovi près de Bône (actuel Annaba), en Algérie d’un père ouvrier et d’une mère illettrée. Le bac qu’il a obtenu en 1930 lui a permis d’entrer à Hypokhâgne (Sorbonne) en lettre supérieure. Il obtient un D.E.S (diplôme d’étude supérieure) en philosophie, mais ne peut pas se présenter à l’agrégation pour cause de tuberculose. Il a d’abord milité au parti fasciste, puis au parti communiste. Son premier ouvrage L’envers et l’endroit parait en 1937 et il obtient le prix Nobel de littérature le 17 Novembre 1957 et il meurt le 04 Janvier 1960 dans un accident de voiture en compagnie de son ami éditeur Michel Gallimard.
« Le sentiment de l’absurdité au détour de n’importe quelle rue peut frapper à la face de n’importe quel homme ». Selon Camus, la société est sans valeur et fait vivre des homme dans la répétition mécanique des gestes quotidiens qui mènent inévitablement vers la mort .D’où, ce n’est pas le monde qui est absurde en soi mais la relation que l’homme entretient avec lui alors à quoi bon vivre ? L’absurde est illustré dans Caligula (1945), L’Etranger (1942), Le Mythe de Sisyphe. Si Camus accepte que la vie n’a pas de sens, il refuse cependant la démission. C’est-à-dire le suicide et le nihilisme. Il rejet également l’action révolutionnaire qui, selon lui conduit à l’oppression et au crime. Il prône plutôt la double exigence de la lucidité et de l’authenticité. Dans le comportement, il préconise le lutte et l’action et il demande de trouver une raison de vivre dans l’exercice de la solidarité
2- L’écriture camusienne
Camus utilise souvent la technique béhavioriste (ensemble de procédés visant à décrire que le comportement)
On note également un certain lyrisme dans l’expression de la nature, de la mer ou du soleil. Il mêle le pastiche et la démystification pour tourner en ridicule la justice, la morale conventionnelle et l’administration.
III-ANALYSE DE L’ŒUVRE
1-Camus parle de l’Etranger
Voici ce qu’il écrit en 1955 dans la préface à l’édition américaine. « J’ai résumé l’Etranger il y a très longtemps par une phrase dont je reconnaît paradoxale. “Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort. Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu’il ne joue pas le jeu ». En ce sens il est étranger à la société où il vit, il erre en marge dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle et c’est pourquoi des lecteurs ont été tenter de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage plus conforme en tout cas aux insertions de son auteur si l’on se demande pourquoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple, il refuse de mentir. Mentir ce n’est pas seulement dire ce qui n’est pas. C’est aussi surtout dire plus que ce qui est. Et en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu’on le sent. C’est ce que nous faisons tous les jours pour simplement la vie. Meursault contrairement aux apparences ne veut pas simplifier la vie, il dit ce qu’il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacer.
Meursault est condamné à la peine capitale et dans sa révolte contre les institutions judiciaires et religieuses, il rejette son pouvoir en grâce et attend lucidement son exécution.
Invité par Raymond à passer un dimanche au bord de la mer dans le cabanon d’un ami, Masson, Meursault s’y rend avec Marie. Après le repas, les hommes se promènent sur la plage et rencontrent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Ils se battent et Raymond est blessé. De retour au cabanon, Meursault le tempère et lui prend son revolver, pour lui éviter de tuer. Reparti seul sur la plage, il retrouve par hasard le frère, qui sort un couteau. Assommé par le poids du soleil, il se crispe sur le revolver et le coup part tout seul; mais Meursault tire quatre autres coups sur le corps inerte.
Meursault est emprisonné. L’instruction va durer onze mois. Il ne manifeste aucun regret lorsqu’il est interrogé par le juge, aucune peine lorsque son avocat l’interroge sur les sentiments qui le liaient à sa mère. Le souvenir, le sommeil et la lecture d’un vieux morceau de journal lui permettent de s’habituer à sa condition. Les visites de Marie s’espacent.
Le procès débute avec l’été. L’interrogatoire des témoins par le procureur montre que Meursault n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère, qu’il s’est amusé avec Marie dès le lendemain et qu’il a fait un témoignage de complaisance en faveur de Raymond, qui s’avère être un souteneur. Les témoignages favorables de Masson et Salamano sont à peine écoutés. Le procureur plaide le crime crapuleux, exécuté par un homme au coeur de criminel et insensible, et réclame la tête de l’accusé. L’avocat plaide la provocation et vante les qualités morales de Meursault, mais celui-ci n’écoute plus. Le président, après une longue attente, annonce la condamnation à mort de l’accusé.
Dans sa cellule, Meursault pense à son exécution, à son pourvoi et à Marie, qui ne lui écrit plus. L’aumônier lui rend visite, malgré son refus de le rencontrer. Meursault est furieux contre ses paroles, réagit violemment et l’insulte. Après son départ, il se calme, réalise qu’il est heureux et espère, pour se sentir moins seul, que son exécution se déroulera devant une foule nombreuse et hostile.
La première partie se déroule principalement à Alger à l’Asile des vieillards à Marengo (80 kilomètres d’Alger) et à la plage où Meursault commet le meurtre. Cette partie dure environ trois semaines.
La deuxième se situe à la prison, la maison d’arrêt et on a le procès de Meursault qui dure un peu plus d’une année.5. Les personnages
a. Le héros Meursault : Il vit une triple solitude : physique, car ayant un repaire de relation amicale très mince ; morale, puisque ses concepts sont différents des valeurs auxquelles la société s’attache ; philosophique, parce que tout lui est égal.
Toutes ces actions sont fondées sur une vision personnelle des choses. C’est pour cela que Camus écrit : « On ne se tromperait pas en lisant dans l’Etranger, l’histoire d’un homme qui sans attitude héroïque accepte de mourir pour la vérité »
Meursault ne choisit pas ses amis. Ce sont plutôt ceux-ci qui le choisissent. Il ne s’intéresse à eux que dans la mesure où ils peuvent lui servir à quelque chose, les conservations avec Raymond Sintès, l’amour physique avec Marie. La restauration avec Céleste… le seul personnage à qui il semble le plus proche est le vieux Salamano qui a vécu la même expérience que lui. Ceux qui prétendent sauver Meursault sont ceux qui parviennent le moins à le toucher. C’est le cas du juge et de l’aumônier qui cherche à le convertir. Il y a aussi le vieux Perez et le directeur de l’Asile qui s’assure de sa condamnation en insistant sur son insensibilité.
b. Les personnages secondaires
Les autres personnages ne sont des silhouettes, des personnages de faire-valoir, car ils n’ont aucune épaisseur en dehors de leur relation avec Meursault. D’ailleurs il sollicite son amour ou son amitié. C’est qu’ils sont vus à travers le regard du personnage-narrateur. Cela fait supposer que Meursault avait une vie déserte.
Raymond : Il sollicite l’aide et l’amitié de Meursault. Meursault lui écrit sa lettre de vengeance. On ne sait rien de lui, s’il veut utiliser Meursault ou s’il cherche un ami sincèrement. Est-il un vaurien ? On sait qu’il est un souteneur (entremetteur ou proxénète) nous l’avocat général. Il va donc être son premier ami après la mort de sa mère
Marie : Elle est la compagne épisodique de Meursault, sa « maîtresse ». Elle a la peau brune, gaie. Dans la deuxième partie du roman, elle est quasiment absente et Meursault lui-même se demande si elle ne donne pas « sa bouche à un nouveau Meursault ». Aussi se demandera-t-on si Meursault même aime Marie. D’ailleurs quand on lui a parlé de sa maîtresse, Meursault ne savait pas qu’on lui parlait de Marie, car il ne la considère pas comme telle. Lorsque Marie lui demande s’il l’aimait, il lui répond qu’il ne savait pas. En tout dans son cœur, Marie n’y était apparemment pas.
Les autres comparses sont Céleste, Salamano et le vieux Perez
Salamano est le voisin de palier de Meursault. Ce que Meursault retient de lui c’est qu’il pleurait la perte de son chien. En comparaison avec lui, qui n’avait pas pleurait lors de la mort de sa mère. Il constitue un banc d’essai pour tester les sentiments de Meursault, quant à la réaction de quelqu’un qui perd un être cher.
Perez est le seul homme qui ait pleuré la mort de madame Meursault, ce qui fait qu’il devient un témoin en charge dans le procès de celui qui n’avait pas pleuré la mort de sa propre mère. Ce personnage est donc important pour juger le côté moral du héros.
Les arabes font partie du décor des personnages, permettent de situer l’action dans un pays arabe, ici Alger. Et le fait que le héros en tue un est déjà un signe de culpabilité (le racisme est sous entendu).
Les autres membres de la société : on a le directeur de l’asile de Marengo, le patron de Meursault, le juge, son avocat, l’aumônier. Meursault éprouve un peu de sympathie pour le directeur de l’asile et l’avocat général, ne comprend pas le jeu de son propre avocat et refuse la prière de l’aumônier. Aussi se met-il en marge de la société.