Après trois mois de grève (décembre 2021 à février 2022), les syndicats d’enseignants avaient suspendu leur mot d’ordre. Il avait fallu huit plans d’action, une paralysie des écoles par des jours de débrayages, de grèves totales et boycott de toutes les évaluations et activités pédagogiques, pour que les autorités décident de discuter avec les syndicats d’enseignants. Mais comme à leurs habitudes, elles avaient joué au dilatoire, à l’usure, à la manipulation de l’opinion par une communication mensongère. La preuve, lors de la première rencontre, elles avaient demandé aux syndicats de faire des propositions. C’était une grosse aberration, une première dans le mouvement syndical !!!
C’est quand elles ont compris la gravité de la situation, qu’elles ont fait la proposition de 69 milliards puis 90 milliards. Et là aussi, c’était une communication sur des valeurs absolues pour manipuler une partie de l’opinion qui ne comprend rien de ces chiffres.
Lors des Assemblées générales syndicales, les enseignants avaient exigé des garanties sur la défiscalisation des sommes annoncées par les autorités. Ils avaient bien raison de le demander, car lors du relèvement de l’indemnité de logement, le gouvernement avait roulé les enseignants dans la farine, en annonçant une augmentation de 40 000f finalement imposée à hauteur de 15 000f.
Cette fois-ci, le Ministre du budget, Abdoulaye Daouda Diallo avait clairement dit que les augmentations étaient “NET D’IMPÔT”. Mieux, il avait donné des tableaux de minima et de maxima. Ceci dit, chaque enseignant, en fonction de son corps et de son grade, savait le montant minimal de son augmentation, lors de la première tranche (fin mai 2022) et de la seconde (fin janvier 2023).
Il ne pouvait pas y avoir un engagement plus précis que celui-ci.
Seulement, on a affaire à des voyous. Toute personne doit veiller au respect de sa parole. S’il y a une rupture de confiance entre les syndicats (pas uniquement ceux de l’enseignement) et le gouvernement, c’est parce que ce dernier est habitué à mentir sur ses promesses.
Il y a beaucoup d’enseignants qui n’ont jamais cru aux engagements du gouvernement. Je n’en faisais pas partie. Je disais toujours à ces gens que c’est sur la deuxième tranche (celles de janvier 2023) que je peux avoir des doutes, mais pas celle de mai 2022. Je fondais ma position sur le contexte politique très chargé. Je disais que l’État n’ose pas ne pas respecter les engagements financiers de mai, ce serait politiquement suicidaire de sa part.
Mais voilà que je me suis lourdement trompé. Oui, j’ai su, depuis longtemps, que notre gouvernement était irresponsable, mais je n’ai jamais cru que cela avait atteint ce niveau.
Quand le Président de la République a remplacé, en début mai, le Directeur de la Solde, Charles Emile Ciss, je disais que cela ne nous “regardait” pas, il y a le principe de la continuité de l’État et que normalement, les engagements pris par le ministre dans le protocole du 26 février 2022 seront respectés par n’importe quel Directeur qui serait nommé à la solde. Je pensais même qu’un changement de régime entre-temps ne pourrait pas entraver le respect des accords. Quelle naïveté de ma part !!!!
Le gouvernement est dans la provocation, il nous faudra faire face. Je ne suis toutefois pas d’accord avec ceux qui ont déclenché dès aujourd’hui une grève locale. Allons-y ensemble, dans une dynamique unitaire à travers les syndicats. Le mot d’ordre était juste suspendu. Dans tous les PV des AG départementales du 10ème plan d’action, les enseignants avaient dit “suspension du mot d’ordre, en attendant la matérialisation des engagements financiers en mai 2022”. Les syndicats ont ces PV, ils doivent impérativement s’y conformer en décréter un nouveau mot d’ordre de grève.
Dans le contexte actuel, il faut demander le boycott de toutes les évaluations, y compris, les examens du CFEE et de l’entrée en sixième, ceux du Bac et du BFEM.
Il faut que les enseignants soient dignes et éviter d’avoir peur de perdre les miettes des indemnités de ces examens. Si nous cédons à cause de cela, nous serons des lâches !!!
Il faut aussi que les partenaires de l’école qui étaient garants des accords, sortent et demandent au gouvernement de respecter sa parole.
Que les élèves et leurs parents exigent du gouvernement le respect de sa parole. Ils n’ont plus de temps à perdre, l’année est presque finie.
Enfin, je dis ceci: “pour éliminer définitivement un mal, il faut enlever la racine”. La racine du mal du Sénégal, c’est le régime du Président Macky Sall. Le combattre devient un devoir.
Si le gouvernement a osé ne pas respecter les accords financiers du mois de mai, il fera pire au mois de janvier 2023. Ne soyons pas naïfs deux fois. Mobilisons-nous, votons et faisons voter nos familles contre la coalition Benno Bokk aux élections législatives de 31 juillet 2022. Si nous donnons à ce régime une majorité à l’Assemblée nationale, il va nous clochardiser.
Babacar Diouf, professeur d’histoire et de géographie au lycée de Nguekokh.