La culture s’entend d’abord par opposition à la nature : est naturel, ce qui se fait tout seul ; est culturel ce qui porte la trace du travail humain. Le petit chemin de campagne nous semble donc plus naturel que la grande ville ; …mais les chemins, les champs et la campagne elle-même n’ont rien de naturel ! Partout, on peut y voir la main de l’homme qui a travaillé et aménagé ce qui l’entoure. Alors, l’homme a-t-il seulement accès à une « nature », ou n’est-il pas entièrement un être de culture ?
1. Quels sont les sens du mot « nature » ?
• « Nature » a deux sens en français, puisqu’on parle aussi de la « nature » d’une chose. En fait, ces deux sens ont la même origine : nature vient du latin nascor, naître. La nature d’une chose, c’est ce qu’elle était en quelque sorte « à la naissance », avant toute modification.
• Aristote définit la nature comme ce qui est à l’origine de son propre mouvement : contrairement à l’horloge qu’on doit remonter, la plante semble pousser « toute seule ». En ce sens, la nature s’oppose aussi bien à la technique qu’à la culture, qui désignent les différents produits de l’action humaine.
2. Peut-on définir ce qu’est la nature ?
• Pour les Grecs, la nature n’est pas créée par un Dieu, elle est la source de son propre mouvement. Cette interprétation est remise en cause par la philosophie chrétienne : la nature étant créée par Dieu, elle n’a aucune autonomie ; c’est en quelque sorte une mécanique dont Dieu est l’horloger (Voltaire).
• Cette conception remonte à Descartes et à la doctrine de la création continuée : la nature n’a pas été créée une fois pour toutes, Dieu est obligé à chaque instant d’y réintroduire du mouvement. Cette doctrine a pour conséquence de mécaniser la nature ; elle devient prévisible : une science de la nature devient possible, alors qu’elle était impensable pour les Grecs.
3. La nature est-elle pensable en-dehors de la culture ?
C’est toujours à partir d’une langue donnée et dans une interprétation donnée du monde que l’homme détermine ce qu’est pour lui la nature : on voit bien alors que le sens qu’a le mot « nature » est lui-même culturel ; d’ailleurs, il a radicalement changé de signification entre Aristote et nous. Nous pensons donc la nature à partir de notre culture.
4. L’homme est-il un être de nature ?
Toute culture a d’abord commencé par ritualiser nos pulsions biologiques : par exemple, on ne mangera pas n’importe quoi, n’importe quand et n’importe où ; certains aliments seront consommés crus, et d’autres cuits (Levi-Strauss). Ces formes symboliques fondamentales que sont les manières de la table, mais aussi l’organisation de la parenté par l’institution des alliances et du mariage, nous coupent radicalement de toute nature, même lorsque nous obéissons à des nécessités biologiques (se nourrir, dormir, se reproduire) : l’homme vit dans un monde entièrement cultivé, et son rapport à lui-même comme à la nature hors de lui est d’emblée culturel. La culture est l’acte par lequel l’homme se pose comme distinct de la nature.
Ainsi, les travaux des ethnologues nous montrent que les indiens d’Amazonie passent de longues heures à s’épiler, à se parer, à se tatouer, pour se différencier le plus possible des animaux : l’homme interpose entre lui et l’animalité des symboles et des rites qui constitueront le monde humain.
Ainsi, les travaux des ethnologues nous montrent que les indiens d’Amazonie passent de longues heures à s’épiler, à se parer, à se tatouer, pour se différencier le plus possible des animaux : l’homme interpose entre lui et l’animalité des symboles et des rites qui constitueront le monde humain.
5. Comment penser le rapport nature / culture ?
• Là où commence l’humanité, la nature s’arrête : l’homme a « cultivé et humanisé la nature » (Marx) , il se l’est appropriée par le travail, par la technique et le langage.
Ainsi les paysages que nous pouvons voir sont le fruit d’un très long travail humain : ils ont été aménagés, cultivés, modifiés de façon à satisfaire nos besoins ; regarder par la fenêtre, ce n’est pas voir la nature, c’est voir ce que Hegel nommait l’esprit objectif, c’est-à-dire l’esprit humain qui s’est déposé dans des choses (car un champ ne pousse pas tout seul !).
Ainsi les paysages que nous pouvons voir sont le fruit d’un très long travail humain : ils ont été aménagés, cultivés, modifiés de façon à satisfaire nos besoins ; regarder par la fenêtre, ce n’est pas voir la nature, c’est voir ce que Hegel nommait l’esprit objectif, c’est-à-dire l’esprit humain qui s’est déposé dans des choses (car un champ ne pousse pas tout seul !).
• Un homme à l’état de nature ne serait pas un homme, mais un animal : ainsi, le langage humain (à la différence du langage animal) n’est pas inné, mais acquis.
En apprenant le langage, le petit enfant hérite en fait d’une tradition et d’un savoir qui s’est peu à peu accumulé au cours des siècles : alors que chez l’animal, tout recommence à zéro à chaque génération, avec l’homme, c’est le progrès qui devient possible. La culture est donc tout ce par quoi nous avons définitivement quitté le domaine de la nature pour entrer dans celui de la civilisation, et d’abord en adoptant ce mode de vie propre à l’homme qu’est la vie en communauté.
En apprenant le langage, le petit enfant hérite en fait d’une tradition et d’un savoir qui s’est peu à peu accumulé au cours des siècles : alors que chez l’animal, tout recommence à zéro à chaque génération, avec l’homme, c’est le progrès qui devient possible. La culture est donc tout ce par quoi nous avons définitivement quitté le domaine de la nature pour entrer dans celui de la civilisation, et d’abord en adoptant ce mode de vie propre à l’homme qu’est la vie en communauté.
La citation
Pour l’homme, l’état de nature « est un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais. » (Jean-Jacques Rousseau)