Au moment où certains acteurs du corps médical haussent le ton et créent un énorme tollé pour faire valoir leurs droits, parallèlement, d’autres usent de tout moyen pour bafouer l’éthique et la déontologie qui régissent les porteurs de blouses blanches.
Si ce ne sont des fautes chirurgicales, ce sont des comportements indignes d’un professionnel de la santé, des négligences fatales.
D’ailleurs, l’on a pu constater ces dernières années de nombreuses fautes médicales qui ont coûté la vie aux patients; pour la plupart, des décès qui pouvaient être évités. Pas plus tard que ce 1er avril 2022, le décès de la jeune femme Astou Sokhna à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga pour négligence et non-assistance à une personne en danger, a été la goutte d’eau de plus. S’y ajoute le scandale qui s’est produit à SUMA Assistance le 13 avril 2022. Un assistant infirmier qui introduit son doigt dans les parties intimes d’une patiente en la filmant. L’histoire se répète, et dans la plupart des cas, c’est le corps des paramédicaux qui est indexé.
Une situation qui a incité Dakaractu à poser le débat et à aller au fond des choses en interrogeant les acteurs concernés pour mesurer la profondeur du mal.
Entre infirmiers, aide-soignants, assistants-infirmiers…un « Intrus indésirable » dans le corps des paramédicaux…
(En pleine conversation avec le chef de service des soins infirmiers, un jeune homme tapa à la porte. Une fois invité à entrer, il apparaît vêtu d’une blouse verte, pantalon et haut de manche couvert, col « V », sous le regard brûlant de mon interlocuteur, qui le fixait sans ciller. Après une brève salutation, à peine un mot placé, il est coupé et s’en est suivi une scène de reproches et de réprimandes à l’endroit de ce pauvre jeune homme embarrassé. D’après les propos du chef, c’est un brancardier qui s’est permis de porter la blouse d’un chirurgien. Une erreur intolérable au yeux de monsieur Dibocor Sène).
Cette parenthèse a eu lieu le mercredi 13 Avril 2022 à l’hôpital le Dantec de Dakar aux environs de 13h.
Ce genre de situation, se passe partout dans presque plus de la moitié des structures sanitaires du pays.Toutefois, il faut en déduire que l’habit ne fait vraiment pas le moine, toute personne portant une blouse blanche n’étant pas forcément un médecin.
Et même si d’une part, les structures de santé ne respectent pas souvent la convention des couleurs des blouses permettant d’identifier les spécialistes, d’autre part, une grande partie de la population tombe dans cette confusion. Compte tenu de cela, des agents de santé « complexés » seraient prêts à utiliser cette situation pour en tirer profit.
Nombreux sont les cas où ceux qui sont censés assister le médecin spécialiste, usurpent la fonction de ces derniers et s’engagent à traiter les patients. Le plus souvent, ce sont les aide-soignants et les assistants-infirmiers que l’on pointe d’un doigt accusateur. Un focus est fait sur ces deux agents du corps paramédical, à savoir, l’assistant-infirmier et l’aide-soignant pour leur meilleure connaissance.
À l’hôpital le Dantec situé en plein centre-ville de Dakar, dans le cadre d’un entretien avec Dibocor Sène, le chef du service des soins infirmiers de ladite structure a éclairé notre lanterne sur cette question.
» À la base, l’infirmier est un agent de santé qui a reçu une formation de 3 ans et qui est sanctionné par un diplôme. Alors que l’aide-soignant, c’est un agent qui n’a pas reçu de formation. C’est quelqu’un qui, à force de fréquenter l’hôpital, a acquis certaines notions et de l’expérience.
À ce stade, il commence à aider en cas de déficit de personnels soignants », a-t-il précisé.
Comme disait Léonie Chaptal, une grande théoricienne de sciences infirmières en France, « la maladie c’est l’affaire du médecin, mais l’individu c’est l’art de l’infirmier. » Ce qui revient à dire que chacun a sa part de responsabilité et son rôle vis-à-vis du patient, tel que décrit dans les textes de la nomenclature. En effet, dans la première catégorie d’actes, il y a le rôle propre de l’infirmier et dans la deuxième catégorie il y a les actes sous prescriptions médicales, qui sont en rapport avec la maladie et donc sous la responsabilité du médecin. Mais, ici au Sénégal, la réalité est tout autre dans les structures sanitaires.
« La formation d’aide-soignant n’est pas dans le portefeuille du ministère de la santé… »
Une filière intégrée récemment, il y a moins de 10 ans, pour une formation de 2 ans grâce au déficit de personnel soignant, mais la validité n’est toujours pas effective. Un chaos total dont la responsabilité incombe à l’État, selon Ibrahima Coulibaly, ingénieur en pédagogie et directeur de l’Institut universel des professionnels en santé. Selon lui, la profession d’aide soignant est une profession qui existe et qui est reconnue dans le monde, mais au Sénégal on peut dire que cette spécialisation est plus relayée par le métier d’assistant-infirmier. Ce dernier étant une formation de 2 ans comme celui de l’aide-soignant partout ailleurs. Toutefois, il confirme qu’au Sénégal, la profession d’aide-soignant n’est pas dans le portefeuille du ministère de la santé. Elle est plutôt gérée par le ministère de la formation professionnelle.
En outre, il y a aussi le problème lié à la vétusté de la nomenclature des actes médicaux datant de 1985, qui est soulevé par le directeur de l’IUP Santé.
» Dans l’arrêté portant la nomenclature des actes des auxiliaires médicaux, il n’y a que les actes des infirmiers qui sont définis et les actes des sages-femmes. Mais il y’a eu des réformes après tout cela, signifiant que l’infirmier peut dispenser quatre (4) catégories d’actes, à savoir, les actes du rôle propre de l’infirmier, les actes sous prescription médicale (avec une prescription du médecin), les actes sous prescription médicale nécessitant la présence du médecin, et en dernier lieu, il y a les actes délégués en cas d’urgence, gérés par les protocoles de service. Maintenant pour ce qui ressort de l’assistant-infirmier et ou de l’aide-soignant, il n’y a pas de nomenclature définie pour eux, mais on sait qu’il est sous la supervision de l’infirmier… »
De Marginal à Primordial…
Et pourtant à la base, alors qu’il n’était pas bien accueilli et peu considéré par ses frères du corps paramédical, parce que n’ayant pas reçu de formation, les aide-soignants et assistants-infirmiers ont su mériter leur place et gagner le respect au sein de l’hôpital.
À ce jour, beaucoup d’écoles de formation disposent de filières formant des suppléants en santé. En effet, au au fil des années, un réel déficit de personnel s’est fait ressentir, imposant ainsi la nécessité de trouver des bras pour combler cette demande. Des écoles de formation se sont lancées et se multiplient pour former des agents. Aujourd’hui, force est de reconnaître que ces agents de santé ont entièrement intégré le secteur et abattent un travail remarquable, même si des brebis galeuses continuent de polluer le milieu.
Quelle solution pour réguler le secteur?
Déni de soin, carence de ressources, manque de motivation du personnel, problème de formation, arrogance et inhumanité, tous ces signes diagnostiqués chez le personnel soignant, constituent un mal profond qui gangrène le secteur, d’où l’urgence de poser le débat pour ainsi trouver des solutions afin de panser ces plaies. Et ce, même s’il est vrai que dans chaque généralité, il y a des exceptions. Partant de la racine, le problème majeur réside dans la qualité de la formation du personnel.
« Au Sénégal, il y a beaucoup d’écoles de formation sur les métiers de santé, mais il n’y a que cinq (5) à ma connaissance, qui ont l’habilitation institutionnelle de l’Autorité Nationale d’Assurance Qualité de l’ Enseignement Supérieur, de la recherche et de l’innovation.(ANAQ-SUP). C’est très grave », a déploré M. Coulibaly.
En tant que membre de l’ANAQ-SUP, l’urgence, selon lui, est de revoir impérativement les dispositions de l’arrêté qui organise l’examen de certification et le profil pour que l’étudiant puisse le faire dans le respect des règles. Mais aussi et surtout faire une cartographie des écoles de formation, car certes, il y a plusieurs choses qu’on peut prendre en compte si la formation est mal faite…