Les tenues scolaires ont été remises aux apprenants, lundi 20 février 2023 à 4 mois de la fermeture des classes. Un retard accusé de deux ans dans la confection pour ce programme initié par l’Etat du Sénégal, pour un coût de 30 milliards de FCFA sur 3 ans. Une somme outrancière, décrie le SG de SAEMSS. Qui, de son avis estime que les priorités sont ailleurs dans un secteur éducatif où des écoles manquent de tables bancs, d’électricité, de point d’eau.
En marge du Conseil présidentiel sur l’emploi et l’insertion socio-économique des jeunes, tenu le 22 avril 2021, le chef de l’État Macky Sall a lancé une initiative. Cette dernière porte sur le port systématique de tenues scolaires, avec 30 milliards de francs CFA sur trois années, soit 10 milliards FCFA par an. Objectif, aider le secteur artisanal touché par la Covid-19.
La généralisation des tenues scolaires a été prévue dès la rentrée 2022 pour le préscolaire et le primaire. Mais à la rentrée les directeurs d’école n’ont pas vu l’ombre d’une blouse.
De l’incohérence, relevée depuis sa première annonce
D’ailleurs Cheikh Bamba Diéye, député de la 13e Législature avait déposé sur la table du président de l’Assemblée nationale, une question écrite adressée au ministre de l’Éducation nationale. Il s’interrogeait sur l’opportunité et la pertinence de 30 milliards sur 3 années, consacrées à la confection de tenues pour l’école sénégalaise.
La Cosydep également estimait à l’époque que le gouvernement devrait plutôt soutenir les initiatives de locales. Par ailleurs, au-delà même du timing de distribution, c’est la pertinence du programme qui interroge.
D’autant plus que, de l’avis de la Cosydep, les priorités sont ailleurs. Ainsi, au lieu d’injecter 10 milliards dans des tenues scolaires dans un contexte de recrudescence du Covid, la Cosydep préconise une « approche anticipative en mettant aux normes l’environnement des apprentissages (sécurité, eau, hygiène), de résorber les abris provisoires, de solder le passif avec les enseignants, etc. »
Revenant sur le dispositif inclusif et transparent pour l’opérationnalisation de cette mesure au niveau central, la Cosydep fait remarquer « que les marchés devraient être gérés par les niveaux décentralisés et déconcentrés ». La Cosydep s’est également interrogée sur la capacité de l’Etat à assurer « la durabilité de l’opération en évitant de faire supporter les coûts par les familles déjà éprouvées. »
Lors de la rencontre Gouvernement face à la presse tenue en juin 2022, le ministre Mamadou Talla a été interrogé sur le retard dans la livraison des tenues. Il déclarait à ce sujet que « c’est une relation tripartite où il y a son ministère, celui chargé de l’Artisanat et la Délégation générale de l’entreprenariat rapide (DER), pour le financement ».
Autre motif du retard de la livraison de ces tenues scolaires, le ministre fait savoir que le besoin en tissu pour la confection était estimé « à 6 millions de mètres. Mais il est arrivé que les artisans n’aient trouvé que 500.000 de mètres de tissus disponibles au Sénégal. L’autre contrainte était qu’il fallait à chaque département, aux chambres de métiers, d’identifier les artisans ». Ce qui n’était pas fait dans les délais prescrits, expliquait le ministre Mamadou Talla.
Alors il a fallu deux ans pour sortir les premières tenues. En effet, le ministre de l’Education nationale, Cheikh Oumar Hann a procédé, lundi 20 février 2023, à une cérémonie de lancement de la distribution de ces uniformes. Il s’agissait de ces fameuses tenues scolaires décidées par le chef de l’Etat Macky Sall pour faire face aux impacts de la Covid, il y a deux ans, et qui, selon le ministre, entre « dans le cadre de la promotion de l’équité en milieu scolaire ».
Le ministre de l’Artisanat a indiqué à cette occasion que le partenariat avec les artisanats peut aller plus loin avec la confection de sacs d’écoliers, de tenues pour d’autres entités de l’État.
Pour le ministre de l’Éducation, cette idée du Président doit être portée et renforcée par tous les citoyens et particulièrement par les artisans, premiers bénéficiaires de ce programme.
La position du SAEMSS sur la question des tenues scolaires ne change pas
La position du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (SAEMSS) sur les tenues scolaires reste la même. Joint au téléphone par PressAfrik, El Hadji Malick Youm, secrétaire général national du syndicat de souligner que « notre position a été dite depuis et reste le même ».
Il indique « nous avons rappelé que pour nous, il faut prioriser les besoins du secteur de l’éducation si nous voulons nous inscrire dans une logique d’efficacité. Alors il va falloir identifier maintenant les priorités de l’école. Et la première concerne l’éradication des abris provisoires. »
Alors comment peut-on dans un pays prendre 30 milliards de FCFA pour la confession de tenues scolaires et au même moment on ne compte pas moins de 6000 salles de classes provisoires dans le système éducatif ? S’interroge le syndicaliste.
Et ce n’est pas la seule carence du système éducatif. Monsieur Youm liste les « 300.000 tables bancs qui manquent, 5000 établissements scolaires qui n’ont pas d’électricité, 2413 établissements qui n’ont pas de point d’eau. Voici les questions essentielles. Voilà pourquoi je persiste et je signe sur ce que j’ai toujours dit : la question des tenues scolaires ne peut pas être une priorité face à ces manquements. »
Parce que, rappelle-t-il « cela a été réglé depuis le temps de Kalidou Diallo qui avait demandé aux établissements de s’en charger et il avait même fixé les montants. »
«Alors aussi belle que soit la tenue, si l’élève porte sa tenue et va s’assoir sur des bidons d’huile vides ou des briques, dans des abris provisoires, la tenue n’a pas de sens. Celle-ci c’est le paraitre alors que l’école a pour vocation de bâtir ce qu’on appelle l’être», se désole t-il.
APS