Une nouvelle année scolaire démarre et, pour une énième fois, l’école se réveille d’un sommeil assez profond mais aussi antalgique en ce sens qu’il a toujours le don de nous faire oublier les maux dont souffre ce système. L’école sénégalaise, orpheline et comateuse, se lève une nouvelle fois, titube, essaie de prendre une bouffée d’oxygène et de se remettre en marche en attendant désespérément l’assistance et les soins de ceux à qui son bien-être est confié.
Quid de ses acteurs?
Dans une inertie et un désintéressement presque total, cette école orpheline se désole de ne voir personne qui veuille voler à son secours et s’occuper de son avenir qui ne cesse de s’assombrir au fil des ans. Sa sénilité est réelle et le diagnostic est fait, même si elle peine à être internée et à recevoir le traitement adéquat au grand bonheur de cette nation et de ses enfants. S’il demeure évident que l’école sénégalaise est malade, les symptômes de son anomalie n’en demeurent pas moins visibles. Dès lors, un traitement symptomatique s’impose afin de sortir cette école grabataire de son état végétatif et de lui donner un meilleur état de forme. Ce traitement symptomatique impose à chacun des acteurs (élèves, parents d’élèves, enseignants…) de tout faire pour s’acquitter convenablement de la tâche qui lui confiée.
Pensons aux enfants!
Comme d’habitude depuis près de vingt (20) ans maintenant, le jeu de ping-pong entre l’État et les syndicats d’enseignants, qui se renvoient perpétuellement la balle des responsabilités quant à la situation chaotique de l’école, va bientôt reprendre son cours. Il est serait malheureux que la gestion politique jugée mauvaise de l’école sénégalaise impacte négativement sur l’appréhension personnelle que devrait en avoir chacun de ses acteurs, particulièrement les enseignants. Ces deux aspects s’apparentent mais ne sont point dépendants. Quoi qu’il en soit, il demeure un impératif de penser à l’essentiel (la nation) et à tous ces enfants issus de familles démunies des villages et des banlieues et qui n’ont que l’école publique pour s’éveiller, se cultiver, s’armer de savoir et s’ouvrir au monde.
En cette période précise de reprise des enseignements-apprentissages, j’ai une pensée pour tous ces enfants qui ont accroché leur avenir et leur espoir d’un futur plus radieux à l’école publique sénégalaise. Je pense aussi à tous ces enfants et adolescents qui arpentent le chemin du savoir en faisant chaque jour des kilomètres de marche pour seulement jouir de leur droit à l’éducation. Je veux nommer les élèves du village de Kodith (département de Podor) qui effectuent trois kilomètres de marche pour aller étudier au lycée ou au CEM de Niandane. Selon la période de l’année, ces élèves bravent la fraîcheur infernale que dégorge la forêt qu’ils traversent ou s’exposent à la canicule propre au Fouta et qui fait souvent monter le mercure jusqu’à 45°C. Comment pourrai-je ne pas penser à ces nombreux élèves du village de Sanguil (département de Kaolack) qui sont tenus d’effectuer chaque matin une marche de plus de trois (3) kilomètres pour aller faire cours au lycée de Koumbal. En cette période de reprise des cours, ma pensée est aussi tournée vers ces nombreux élèves qui quittent chaque matin les villages de Bani, Dassilamé Sérère et Néma Bah et qui se ruent parfois en vain sur les voitures et motos Jakarta qui les dépassent pour espérer être dispensés de la longue marche qui les mène au lycée de Toubacouta situé à plus de quatre (4) kilomètres pour certains. Je pense aussi à tous ces enfants qui, chaque matin, l’estomac dans les talons, partent à l’école et en reviennent avec une faim plus aigüe.
Chers collègues, je m’invite et vous invite à souvent vêtir notre veste de psychologues pour essayer de percevoir la faim et la fatigue qui se cachent derrière les retards fréquents de certains apprenants et l’apparente nonchalance dont certains font montre en classe. Écoutons-les et essayons de les comprendre car ils ne sont que des victimes d’un environnement social qui ne leur sont pas favorable et d’un système qui fait peu de cas de leur situation défavorable.
Mais au-delà des apprenants, c’est aussi le moment de penser à tous ces parents qui tirent le diable par la queue et dont le sommeil est perpétuellement hanté par les nombreuses dépenses inhérentes à la rentrée scolaire et dont ils parviennent difficilement à s’acquitter.
Vivre l’école sénégalaise!!!
Amadou SOKHNA