Introduction
Une vie de boy appartient aux romans de mœurs qui ont marqué la littérature de la fin de l’époque coloniale. Il n’en demeure pas moins un sévère regard sur la situation réelle de cette période. Beaucoup de thèmes ont été abordés par le récit. Nous en proposant l’étude pour quelques-uns qui nous semblent pertinents.
I. LES PRÉJUGÉS RACIAUX
Se croyant supérieurs, les blancs développent des stéréotypes, des préjugés concernant tous les noirs. Ainsi parlant de Toundi, M. Moreau dit, « …il n’ose pas nous regarder. Son regard est aussi fuyant que celui d’un Pygmée…il est dangereux. C’est comme ça chez les indigènes. Quand ils n’osent pas vous regarder, c’est qu’ils ont une idée bien arrêtée dans leur tête de bois…. La place de celui-ci est chez moi…à Bekon. » (121) Plus tard, la femme du docteur se plaint des indigènes : « Ils sont comme ça…gênants et indiscrets. » (128) Le commandant lui aussi s’adresse à Toundi en ces termes ça sent…ici…. C’est peut-être toi …. Quand on a des nègres…il faudrait que toutes les issues soient toujours largement ouvertes…» (157). Il appelle ses domestiques « bandes de fainéants ! » p. 41
Ces préjugés se retrouvent même chez Mm Salvain, la femme de l’instituteur qui affirme que les nègres ne valent pas la peine qu’on s’intéresse à eux car ils sont paresseux, voleurs et menteurs…
I. II. LA DUPLICITÉ DES BLANCS
1. L’expression de l’hypocrisie
L’hypocrisie est partout présente dans le camp des blancs. Elle est présente dans le comportement des femmes blanches qui hypocritement souhaitent à la femme du commandant la bienvenue alors qu’elles sont mortes de jalousie devant sa beauté. Elles n’arrivaient pas à cacher avec leurs sourires, l’amertume et la colère qu’elles ressentaient devant cette nouvelle venue qui les éclipsaient ; Madame Salvain est même comparée à une lampe qu’on aurait allumée en plein midi.
2. Le mensonge des Blancs
La duplicité touche aussi Madame, la femme du commandant. Selon Toundi, Madame trompe son mari avec M. Moreau, le directeur de la prison. Elle ment à son mari et profite de toutes les opportunités pour voir son amant, Toundi nous explique qu’elle ose inviter M. Moreau et sa femme chez elle. Pour bien caché son infidélité elle fait croire à son mari que M. Moreau manque de savoir vivre et de finesse. Toundi, qui a un profond respect pour son maître semble avoir du mal à tolérer le fait que madame trompe son mari, qui n’a rien fait pour le mériter et cela lui démontre encore une fois que le monde des blancs est malhonnête.
3. La luxure chez les Blancs
Ce faux semblant est d’abord à noter chez le couple Decazy. En effet, après l’arrestation de Toundi, Le commandant et Madame font semblant de filer le parfait amour.
Chez les hommes blancs, la duplicité se manifeste surtout au niveau des comportements envers les négresses. Bien qu’ils se considèrent comme étant supérieurs, certains blancs entretiennent pourtant des relations avec des femmes noires. Parlant des préservatifs, Baklu chargé du linge de Madame explique que les blancs les emploient aussi quand ils couchent avec les femmes indigènes pour ne pas avoir de maladie. C’est l’hypocrisie d’ailleurs qui fera dire à l’ingénieur agricole « Sophie, ne viens pas me voir aujourd’hui, un blanc viendra me voir » ou bien « Sophie, quand tu me vois avec une Dame ne me regarde pas, ne me salue pas ».
III. LA SATIRE DE LA RELIGION CHRÉTIENNE
1. La cupidité de l’église
Le roman adresse une critique envers cette Eglise complice de l’injustice coloniale. Toundi, le personnage principal de l’œuvre Une vie de Boy en échappant à la cruauté de son père, croit trouver dans l’Eglise la sécurité et le bonheur. La mort de son protecteur, le Père Gilbert, marquera le début de son calvaire. Contrairement à la loi du Seigneur, cette Eglise était en réalité le prolongement du pouvoir colonial. A l’instar de ce dernier il participe à l’appauvrissement des indigènes par les obligatoires collectes de fonds durant la messe. C’est cette cupidité qui poussera le Père Vandermayer a frappé Toundi Qu’il soupçonne d’avoir avalé quelques pièces de monnaie. Toundi dit : « Un jour il m’avait fait venir dans sa chambre où il m’avait déshabillé pour me fouiller. Il m’avait flanqué d’un catéchiste pendant toute la journée pour le cas où j’aurais avalé des pièces de monnaie…Je ne pourrais jamais supporter ce qu’il fait à ceux dont il sanctionne les actes. »
2. Une religion à deux vitesses
L’Eglise pratique aussi la ségrégation raciale à l’intérieur même de la maison de Dieu. En effet, pour le Père Vandermayer les noirs ne méritent certaines places durant la messe « La nef de l’église, divisée en deux rangées, est uniquement réservée aux Noirs. Là, assis sur des troncs d’arbre en guise de bancs, ils sont étroitement surveillés par des catéchistes prêts à sévir brutalement à la moindre inattention… » (54) Alors que les blancs sont confortablement assis dans des fauteuils de rotins recouverts de coussins de velours. Ils ont la possibilité de parler et même de faire la cour durant la messe.
IV. LA VIOLENCE GRATUITE
La violence est omniprésente dans cet univers car elle permet de perdurer la domination coloniale tout en installant la terreur pour enlever aux indigènes l’envie et le courage de se révolter. Elle se manifeste sous plusieurs formes.
1 1. La violence verbale
Cette violence verbale qui se manifeste par des injures des propos violents. Elle accompagne aussi toutes les autres formes de violence. Ainsi on entend souvent le père Vandermayer proférer des injures tout en frappant les indigènes : « Quand tu as baisé, as-tu eu honte devant Dieu ? » Le commandant, lui-même, avant d’embaucher Toundi, lui soumet à une interrogation allant même jusqu’à lui demander s’il n’était pas un voleur.
2 2. Le sadisme des Blancs
La violence transparait également à travers et le sadisme de certains blancs qui à l’instar de Janopoulos, aiment faire souffrir les noirs. En effet le jeu favori de ce commerçant Grec consiste à lâcher son chien contre les noirs au grand bonheur des Dames. Le commandant est aussi sujet au sadisme car il éprouve un malin plaisir à écraser les doigts de Toundi avec ses bottes tout en faisant semblant de ne pas le voir. On peut aussi lire à la page 37 « le commandant me décocha un coup de pied dans les tibias qui m’envoya rouler sous la table… Il paraissait très content de sa performance »
3 3. La violence physique
La violence physique se manifeste par les rafles nocturnes dans le quartier indigène ou l’arrestation arbitraire de Toundi qui est pourtant innocent. Malgré cette innocence, Toundi sera emprisonné puis battu à mort. Le point culminant de la violence coloniale est l’épisode de « la bastonnade », qui montre toute la cruauté des blancs envers les noirs. Témoin de cette scène atroce, Toundi questionne alors la religion des blancs et « le dernier commandement de l’Eglise (115)» que l’on peut interpréter comme étant le dernier commandement de Jésus « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé ». En effet, Toundi nous pose directement la question « Le prochain du blanc n’est-il que son congénère ? Je me demande, devant des pareilles atrocités, qui peut être encore assez sot pour croire à tous les boniments qu’on nous débite à l’Eglise … (115)» Toundi explique de façon très claire les conséquences de la bastonnade sur lui. « La scène de la bastonnade m’avait bouleversé. Il y a des spectacles qu’il vaudrait mieux ne jamais voir. Les voir, c’est se condamner à les revivre sans cesse malgré soi (116). » Son mépris pour le blanc n’en est que renforcer.
Conclusion
A travers cet ouvrage, Ferdinand Oyono dénonce l’inégalité des relations entre les blancs et les noirs à cause de la colonisation Au-delà de ces inégalités et au-delà de la critique de la colonisation, Le roman, Une vie boy, constitue un véritable réquisitoire contre les théories fallacieuses des colons qui faisaient de la colonisation une missionnaire humanitaire destinée à venir en aide aux peuples colonisés.
Adama NDAO