Je me #réjouis de voir le Sénégal inaugurer son bijou joyaux qui sanctionne positivement tous les efforts consentis par nos sportifs depuis la nuit des temps. Je faisais partie de ces personnes qui avaient une boule dans la gorge quand la CAF avait déclaré que le Sénégal n’a #aucun stade réglementaire capable d’accueillir une compétition majeure. C’était une occasion de mettre fin à l’époque des stades champs de manioc qui sont conçus pour “courses de chevaux”. Une damnation donc qui doit passer à une jubilation.
Cependant, ma réjouissance n’est pas sénégalaise, c’est-à-dire, qui force à ne pas avoir un œil regardant pour apprécier largement mais voir les détails de taille qui pourraient nous coûter cher dans l’avenir. Notre réjouissance doit nous donner à voir et à penser. Être content en étant conséquent. Savoir apprécier mais aussi être en mesure de poser les bonnes questions.
Lesquelles ?
Sur l’objectif de la création du projet, sur le déroulement du projet, sur l’identité des entreprises qui ont gagné les marchés du projet, sur le coût du projet, sur l’urgence ou non du projet, sur l’aspect prioritaire du projet, sur la durée du projet, sur la position géographique du projet, sur la forme d’inauguration du projet, sur les impacts économiques, culturels, sportifs, sur la vision future du projet… Si notre réjouissance n’est pas accompagnée par l’interrogation sur ces questions-là, nous sommes dans une jubilation irréfléchie qui n’a ni début ni fin, guidée par l’émotion donc sans raison. Nous n’avons pas simplement un corps à rajeunir, des yeux à servir un plat garni de belles images, ou des ventres à remplir mais aussi un esprit à nourrir. Si nous abandonnons notre rôle premier en tant qu’humain en faisant taire notre désir de savoir le plus sur le moins, nous perdrons toute raison d’exister.
POURQUOI L’EXISTENCE D’UN TEL PROJET?
Nous pensons qu’un stade de football digne de ce nom est une des meilleures choses qui nous soient parvenues, le Sénégal devrait prendre une revanche sur l’histoire du sport et il l’a fait.Arriver au sommet, être champion d’Afrique sans stade réglementaire, ce n’est pas investir dans le football et ce résultat du Sénégal à la CAN 2021 est mérité certes, vu les performances de l’équipe, mais discutable en termes d’investissement sur le football sénégalais surtout local. Les sénégalais étaient très exigeants en réclamant des résultats positifs continus en se basant que sur de bons joueurs de d’autres championnats qui se retrouvent et non sur une équipe produite grâce à un projet footballistique sénégalais local en marche. Mais si nous voyons tout ce qui tourne autour de cette réalisation, nous avons raison de nous interroger. Le détournement d’objectif ne doit pas marcher, ce stade doit permettre au Sénégal de se rappeler de son sacre et de ses sacrifices en mettant l’accent sur le travail bien fait sans tricherie ni tâtonnement en envisageant des projets autres de ce genre qui seront pensés par nous et pour nous sur la base des priorités. La construction de nouveaux centres de formation étude sport, l’augmentation du budget du ministère de sport, la préférence nationale d’un football local, l’encadrement, la formation et le soutien des talents sénégalais dans toutes les disciplines sportives.
LA DURÉE DU PROJET ?
S’intéresser à la durée de ce projet serait une chose très intéressante car c’est une question qui nous permettra de faire les meilleures comparaisons qui nous permettront de voir plus clairement, comment nos présidents peuvent choisir d’être pragmatiques ou efficaces selon les circonstances. Ce stade du Sénégal a été réalisé en une durée de 24 mois, soit 3 fois plus rapide que la construction de l’Université Amadou Makhtar Mbao de Diamniadio qui sa première pierre a été posée le 21 janvier 2015, il y a de cela 7 ans. Une façon aussi de comprendre que nos dirigeants pouvaient avoir toutes les qualités d’un bon leader s’ils avaient décidé de travailler avec autonomie suivant la raison et le bon sens mais ils préfèrent être des leaders de circonstance.
LE COÛT DU PROJET ?
Il est très normal de noter une réaction automatique et collective des citoyens africains après la réalisation de chaque projet. Le continent de tous les coups sur les sous, semble ne plus être moins exigeant sur tout ce qui est en rapport avec l’argent, c’est-à-dire les derniers publics gérés par une élite la plupart voleurs intelligents, apatrides, gourmands et sans âme. Cependant, qui veut un projet sûr, durable et de qualité, investira suffisamment pour avoir les résultats souhaités. Ainsi, une grosse somme de 238 millions d’euros a été dépensée selon les chiffres officiels pour la réalisation de ce projet que les Sénégalais appellent “bijou” grâce au luxe insolent qui passe inaperçu. Comme tout être humain devant une beauté qui peut faire voyager ses sens, la retenue est souvent absente dans cet exercice de contemplation et l’esprit cesse de jouer sa fonction première qui était d’aider l’homme à voir la vraie vérité même étant très préoccupé par la réalité. Compte tenu de cela, nous sommes obligés à chaque fois de creuser et le constat reste unanime, des détournements pourraient être faits avec la fameuse méthode dite surfacturation qui est tellement connue que l’analyse d’un économiste n’est plus nécessaire pour comprendre, comment les élites africaines font fuiter sciemment l’argent du pauvre contribuable. Il est impossible de construire un stade olympique avec une somme double que les autres stades comme lui. Les fonctionnalités, certes, peuvent être différentes, mais à un écart raisonnable mais ici on nous parle d’un double investissement.
LA POSITION GÉOGRAPHIQUE DU STADE ? POURQUOI LE CHOIX DE DIAMNIADIO ?
Dakar est une presqu’île, c’est d’ailleurs sa particularité : il est donc difficile voire même impossible d’accéder à la capitale sénégalaise par voie terrestre sans traverser Diamniadio à moins qu’on utilise la voie aérienne ou maritime. Donc le choix de ce site par Abdoulaye Wade n’était pas fortuit, lui le président qui avait très tôt compris que pour impressionner le sénégalais, il ne fallait pas investir exclusivement dans des secteurs qui ne font pas vendre ses réalisations politiques, mais de faire le choix de la construction de grands bâtiments visibles à la place des réformes sérieuses qui passent souvent inaperçues. Ce concours d’inauguration d’infrastructures n’a pas commencé aujourd’hui, Macky, bon élève de Wade a juste repris les méthodes de son maître qui avaient marché.
Diamniadio a été choisi parce que c’est une vitrine qui permet au président d’exposer ses produits à un peuple qui ne comprend pas les enjeux, qui peut faire un vote affectif ou émotionnel, qui peut apprécier un président sans jamais être touché positivement par sa politique. Un villageois qui traverse Diamniadio en contemplant les grands immeubles qu’il voyait qu’à la télé, des constructions magiques qui lui font rêver, sera contraint de s’évader en Europe et oublie brutalement son quotidien même étant chômeur, même s’il a laissé tout son village dans un chômage chronique, sans aucun projet, sans case de santé sans eau ni électricité pour dire : Y a pas meilleur président au monde que celui-ci, c’est un travailleur, il mérite d’autres mandats.
LA FORME D’INAUGURATION DU STADE ?
L’inauguration de ce stade suffit comme exemple pour expliquer comment nos présidents sont tellement déterminés à faire passer leur petite et insignifiante personne à la place des grandes priorités. Tous des fêtards, parce qu’ils sont conscients qu’après avoir rendu bête leur peuple, ce dernier est même prêt aujourd’hui à se ruiner pour faire la fête car la seule chose que ce peuple sénégalais prenne au sérieux c’est le divertissement. La preuve, 50000 âmes s’étaient déplacées pour assister à l’inauguration d’un stade à un jour ouvrable sans compter la grande foule excitée à l’extérieur qui voulait entrer à tout prix dans un stade déjà plein. Juste incroyable !!! Je ne pense pas que quelqu’un qui a un travail sérieux, qui travaille pour lui ou une entreprise, peut abandonner son poste juste pour aller faire la fête. Exceptés les hommes de médias, les chanteurs et les autres personnes qui étaient parties faire leur travail dans le stade, si nous essayons de prolonger notre champ de réflexion, il sera possible de tomber sur les raisons du chômage. J’avais oublié que nous sommes dans un pays où des services de l’administration sénégalaise ferment parfois leur porte en paralysant tout un système pour aller faire bêtement de la politique.
Le nombre pléthorique d’artistes qui étaient présents le jour de l’inauguration en dit long sur la gestion de nos élites face à une population jeune avec des mentalités pauvres qui ont besoin d’être révolutionnées.
L’ascension fulgurante de personnes ratées appelées” influenceurs” qui ont tous les privilèges dans ce pays, comme faire du tourisme au palais de la République, faire le tour des plateaux de télé, en allant jusqu’à avoir la possibilité d’usurper dans l’impunité la fonction de journaliste sont les signes d’une société en décadence. Des influenceurs comme Jaw Ketchup et Malaw Pikine ont été aperçus avec des badges de presse le jour de l’inauguration du stade. Il ne faut pas oublier aussi que Xaragn Lo avait été choisi par le gouvernement pour aller faire une couverture médiatique lors d’un parlement de la CEDEAO.
À quand un État sérieux qui commencera à travailler sans tintamarre et n’utilisera aucune faiblesse de son peuple pour un gain politique ? À quand un président qui va inaugurer une grande infrastructure prioritaire avec un nombre restreint de personnes sans bruit ? À quand un président qui lavera l’esprit fêtard de ce peuple qui n’est pas amoureux du sérieux ?
Malgré son retard honteux aux rendez-vous du 21e siècle, l’Afrique continue de conserver toutes ses mauvaises pratiques en faisant semblant d’ignorer les enjeux tout en sachant qu’elle ne pourra pas échapper aux concours des grandes nations, soit en étant actrice soit spectatrice.
L’IMPACT DU NOUVEAU STADE ?
La question concernant l’urgence du projet a été répondue en haut ce qui va nous permettre d’attaquer la question de l’impact pour mieux comprendre notre sujet. L’impact du projet ne devrait pas tarder à être connu car ce sera une grande occasion pour les sénégalais et pour nous autres ignorants d’avoir une compréhension plus rigoureuse sur la vision politique de nos dirigeants.
Le stade du Sénégal a été inauguré en grande pompe le 22 février pour la révolution du sport. Cette infrastructure à coups de milliards d’investissement devrait rester fermée jusqu’au match de qualification du Sénégal contre l’Égypte pour le mondial. Des questions nous traversent l’esprit, sur l’impact économique du stade, sur son financement, sur son fonctionnement et sur le remboursement du projet ? Ce stade est bien sénégalais, mais il n’accueillera pas à ce que je crois les matchs de notre championnat pour des raisons que nous connaissons tous(l’indiscipline). À moins qu’ils soient des matchs huis-clos, parce que le comportement des jeunes supporters sénégalais qui sont dans l’idolâtrie, dans l’exaltation de leur équipe, dans l’ignorance de la vraie définition du sport, qui sont violents et non patriotes parfois à cause d’un mauvais système éducatif, empêcherait de prendre ce genre de risque.
Un esprit bien formé et averti sera incapable de se défouler sur des biens publics et de se réjouir après les avoir détruits. Ce n’est pas pour rien que nous continuons de sonner l’alerte continuellement sur les priorités parce que nos mauvais choix nous rattrapent toujours peu importe la durée de notre folie. L’éducation doit être une religion pour tout peuple qui a bon projet de société sinon nous continuerons de construire d’autres stades pour ne les utiliser que lors des évènements majeurs exceptionnels, ce qui serait une perte énorme pour l’économie du pays.
Peut-être Youssou Ndour va délocaliser son Bercy à Diamniadio pour nous offrir des spectacles chaque mois comme ça le stade va rester en vie.
TOUT PROJET DOIT AVOIR UN BUT ET C’EST LA SOMME DE TOUS LES PROJETS VALIDÉS OU ÉCHOUÉS QUI FONT LES SOCIÉTÉS RATÉES OU RÉUSSIES.
Préservons et protégeons jalousement ce bijou à nous.
LAMIN AL’AMIN JÓOB