LA VALORISATION DES RESSOURCES LOCALES AU SERVICE DU MONDE RURAL
Kourfia Diakité est un jeune entrepreneur de la région de Kolda, au Sénégal. Il est le fondateur d’ALIMENT BOU’CASA, une entreprise à impact social et environnemental dont l’objectif est de mettre à disposition des éleveurs de la région une alternative alimentaire durable et locale pour le bétail.
Gérant aujourd’hui son développement interne et sa représentation, il est aussi le cofondateur de BioBudjeck, une startup de production de charbon écologique.
Qu’est-ce qu’ « Aliment Bou ’Casa » ?
ALIMENT BOU’CASA est une startup de production et de commercialisation d’aliment de bétail basée dans la région de Kolda, créée en février 2020.
Elle vient répondre au déficit de nutriments pour le bétail, surtout pendant la saison sèche, à travers la production d’aliments à base de la gousse d’un arbre endémique à la région.
Sa mission est de contribuer au développement de l’élevage en mettant à disposition des éleveur·euse·s un aliment complet et accessible afin de leur permettre de valoriser leur bétail et d’accroitre leurs revenus.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer cette structure ?
Je souhaitais pallier le déficit d’aliments de bétail dans la zone, en valorisant les ressources alimentaires locales.
Il s’agissait aussi de participer à la création d’emplois pour les jeunes, de contribuer à l’autonomie financière des femmes de la zone rurale et enfin de valoriser et protéger le piliostigma.
Le piliostigma ?
Oui ! C’est un petit arbre de 7 à 10 mètres de long, présent dans la zone sahélo-soudanienne au Sénégal.
Sa floraison a lieu pendant la saison sèche, c’est un arbre très abondant dans la région mais peu valorisé.
Chaque année, des centaines de tonnes de ces gousses tombent et se décomposent, restant alors inexploitées et ne représentant donc aucun apport économique pour la communauté. Sa gousse est aussi très appréciée par le bétail.
C’est, enfin, un arbre particulièrement résistant à la sècheresse qui a la capacité de conserver l’humidité autour de lui.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez actuellement ?
J’en repère deux principales.
La première est sur la récupération de la matière de base. En effet, nous travaillons en partenariat avec les femmes de la zone rurale qui ramassent les gousses tombées de l’arbre. Pour récupérer ces sacs de gousses, on effectue parfois des déplacements de plus de 10km dans les profondeurs car certains sites de collecte sont à des kilomètres de notre unité de production.
La deuxième serait l’étape de production ; faute d’équipements et de machines, nous travaillons manuellement ce qui requiert beaucoup de force.
Les femmes sont donc partie prenante de ce projet ?
Ces activités permettent-elles de contribuer à améliorer leurs conditions de vie au quotidien ?
Les femmes sont les principales fournisseuses de matières premières de l’entreprise. Cette activité participe à leur autonomie financière car elle crée une ressource économique qui leur profite ; l’accès aux marchés de biens et de services ou l’accès aux marchés hebdomadaires étant souvent très difficile du fait de l’enclavement du territoire. Ce projet implique par ailleurs ces femmes dans la sensibilisation à la protection de cet arbre contre les coupes abusives et illégales dont il est victime.
Quelles seraient vos plus grands succès et leçons tirées à cette heure ?
La route fut difficile, mais en dépit des contraintes financières, nous avons pu créer la première startup de production d’aliments de bétail en Casamance !
Avec la collaboration de nos client·e·s, nous avons pu mettre au point un réseau d’éleveur·euse·s de la Casamance, une plateforme de partage d’expériences et d’opportunités.
Ces collaborations nous ont aussi permis d’améliorer la qualité du produit afin qu’il soit compétitif au niveau national de par sa capacité nutritionnelle.
Nos échecs sont plus souvent liés aux difficultés de trouver des financements pour changer d’échelle et à un manque de ressources matérielles.
Sur le long chemin de l’entrepreneuriat, se lancer n’est pas le plus difficile : c’est notre capacité à surmonter ou non les obstacles qui sera déterminante.
À ce titre, nous sommes confrontés à plusieurs défis que nous pourrions énumérer ainsi :
• Continuer à soutenir l’innovation sociale,
• Faire face aux aléas et à l’inconnu,
• Parvenir à satisfaire toutes nos catégories de client·e·s,
• Être à la hauteur des enjeux du développement durable dans notre secteur,
• Co-construire avec nos client·e·s et nos fournisseuses,
• Assurer l’autonomie financière de nos fournisseuses.
Malgré cela, je pense qu’au regard des différentes crises que nous traversons, la capacité de transformation et de conservation des produits issus de l’agriculture et de la pêche représente un levier important de résilience et d’adaptation. En ce sens, le secteur de l’agro-alimentaire devrait être considéré comme étant la clé pour faire face aux crises futures.
Par le BAROMÈTRE DE L’ENTREPRENEURIAT SOCIAL