Deux hommes parurent nus, cache-sexe en cuir de taureau, mains armées de griffes de panthères. Ils s’attaquèrent aussitôt, cherchant à se faire mordre la poussière, l’arme tranchante lacérant leur peau de zébrures sanglantes.
Les deux hommes s’arc-boutèrent, tressaillant, yeux larges, fixes, un peu vagues.
Et brusquement, ce fut la mêlée, l’arrachement d’un corps soulevé haut dans les airs, enlacé contre le torse de son adversaire. Le corps, énorme girouette vivante, frétilla autour de la tête de l’autre et, lui rivant au cou la brusque pression de son genou, le fit s’écrouler telle une masse de pâte molle. Parmi la joie féroce et passionnée de l’assistance, la lutte reprit, plus acharnée que jamais. Les spectateurs, jambes livrées au vent, tressautaient de bonheur, poussaient des grognements de plaisir et imitaient, geste inconscient, tous les mouvements des combattants.
Les deux lutteurs n’étaient plus que plaies vives, chairs sans cesse labourées par cette sorte de râteau fait de griffes acérées. Le plus petit avait une joue hachée, et l’oreille de l’autre, bannière sanglante plantée dans son crâne, était fendue en trois morceaux.
Le plus grand tomba sans connaissance. Il fallut l’emporter, sous l’ovation générale de hurlements qui exultaient.
D’après Yambo Ouologuem, Le devoir de violence