Pendant longtemps le contenu de notre enseignement est resté calqué sur le modèle occidental. Le système fait encore face à la problématique des contenus et aux finalités de l’éducation et de la formation.
Des élèves du lycée Demba Diop de Mbour, regroupés au sein d’un collectif, observent depuis quelques jours une grève pour exiger du gouvernement l’allègement des contenus du programme scolaire qu’ils jugent trop lourd. Une nouvelle doléance des apprenants et une vieille revendication des syndicats qui plaident aujourd’hui pour une révision des programmes scolaires afin de les adapter aux réalités socioculturelles de notre pays. Ce en se focalisant surtout sur les sciences, le numérique, la technique et les technologies.
Pendant longtemps le contenu de notre enseignement est resté calqué sur le modèle occidental. Le système fait encore face à la problématique des contenus et aux finalités de l’éducation et de la formation. Ce sont des contenus lourds, volumineux. Du fourretout avec des leçons qui ne semblent plus adaptées aux exigences de l’heure. D’où cette grève des élèves du lycée Demba Diop de Mbour paralysant les enseignements et apprentissages de l’élémentaire au secondaire dans ledit département. Les grévistes demandent la réduction de ces contenus, surtout en histoire et en géographie. Ils veulent que les principaux changements portent surtout sur l’histoire et la géographie. Deux matières qui, d’après leurs dires, constituent aujourd’hui un casse-tête ! L’histoire et la géographie, des disciplines presque « inenseignables » dans nos écoles.
En histoire, il y a certes un fil chronologique, mais en réalité, il y a des approches thématiques qui ne permettent plus aux élèves de connaitre la réalité historique des faits qu’ils étudient. Ce du fait que les programmes sont ficelés par approches thématiques. Aujourd’hui, les élèves quise mêlent du débat jadis lancé par les syndicats d’enseignants veulent coûte que coute sortir de la prison de programmes scolaires qui, apparemment, ne leur donnent plus de chances d’une bonne réussite. Et ils n’auraient pas tout à fait tort, si on se fie à la réaction du secrétaire général national chargé des revendications du Sels (Syndicat des enseignants libres du Sénégal/authentique, Saloum Sonko. «Honnêtement, je trouve qu’ils ont raison», approuve-t-il. M. Sonko n’est pas le seul enseignant syndiqué à soutenir les élèves de Demba Diop dans ce combat. Tamsir Bakhoum, alias Ngoloum, du Saemss (Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal) embouche la même trompette pour dire que cette revendication des lycéens de Mbour, nouvelle à leurs yeux, est en réalité une vieille doléance des syndicalistes de l’éducation. Selon Bakhoum, «ces élèves réunis au sein du collectif pour la réduction des programmes scolaires demandent la matérialisation d’un point revendicatif porté depuis très longtemps par les syndicalistes. C’est d’ailleurs une recommandation des assises de l’Education nationale tenues en 2014 à Dakar. Des assises à l’issue desquelles le professeur Abdou Salam Sall et tous les acteurs participants avaient demandé, entre autres, la révision des programmes scolaires et, surtout, leur adaptation à nos réalités socio-culturelles.
Recommandations rangées dans les oubliettes
Depuis lors, les recommandations sont rangées aux oubliettes malgré nos interpellations à l’endroit de l’Etat sur les curricula avec lesquels nous faisons aujourd’hui nos enseignements apprentissages» déclare Tamsir Bakhoum. Le secrétaire national aux revendications et aux négociations collectives du Saemss pense que ces élèves de Mbour auront réussi à susciter le débat qui était déjà posé par les syndicats et discuté aux Assises de l’Education. Des recommandations fortes avaient été faites qui sont rangées dans les tiroirs de l’oubli. Selon M. Bakhoum, «il est clairement défini et de manière pertinente que les programmes enseignés au Sénégal sont élastiques, des programmes fourre-tout qui s’intéressent à tout et qui ne permettent pas aux élèves d’avoir véritablement des compétences concrètes et précises dans tel ou tel domaine. Nous l’avons toujours dit. Il est question de revoir les contenus. Si nous voyons des élèves sortir pour parler de la réduction des programmes, cela sous-entend que l’Etat n’a plus le choix et il doit aller vers la réforme des curricula, la réduction des programmes. Car nous devons non seulement réduire les programmes, nous devons surtout les adapter à nos réalités socioculturelles. Que ce soit en histoire, en géographie et dans d’autres matières qui ne sont ni efficaces ni efficientes, encore moins importantes. Je pense que nous devons réorienter nos programmes pour que les apprenants puissent très tôt être orientés vers des filières scientifiques. Que ceux qui souhaitent faire la série littéraire soient exclusivement orientés vers ces filières. Pour ceux qui s’intéressent aux sciences, je pense que l’anglais, en dehors des matières scientifiques, suffisait pour qu’ils les fassent sans difficulté. Pour un élève qui voulait faire la série L et s’orienter vers l’informatique, les sciences sociales, nous devons revoir leurs programmes pour qu’ils ne soient pas trop lourds. En tout cas, pour le Saemss, il urge aujourd’hui de revoir les programmes». Ce, dira-t-il, pour plusieurs raisons. «En histoire, combien de leçons n’ont rien d’important sur le citoyen sénégalais ? La guerre mondiale, oui on peut en parler, mais je pense qu’on pouvait en parler autrement sous l’angle par exemple du rôle des Africains, du Sénégal dans cette guerre. On nous dit que l’histoire c’est la science qui nous permet de connaitre le passé de nos hommes. Je pense qu’à partir des lois d’orientation, nous devons former les citoyens qui devraient porter le développement de ce pays. Mais sans la maitrise de notre propre histoire, ce sera très difficile. On peut certes parler de la géopolitique de façon concrète, mais je ne pense qu’il n’est pas important pour un élève sénégalais de s’intéresser aux villes des Etats unis, du Japon… On devrait juste se limiter à enseigner à l’élève comment les Etats Unis, le Japon, la Chine ont fait pour réussir».
Au-delà des disciplines liées au passé des hommes et à la géopolitique, M. Bakhoum suggère de se diriger vers la science, la technique et la technologie, mais aussi d’augmenter les horaires de certaines langues comme l’anglais, une langue commerciale utilisée partout dans le monde aujourd’hui. «Ce qui va permettre de mettre tel élève dans telle filière, ou tel autre dans telle autre filière, pour faire d’eux de bons ingénieurs en génie civil, des cadres en informatique ou en biologie. C’est-à-dire les orienter très tôt vers les filières techniques et scientifiques ou technologiques de manière à leur permettre d’aller à l’essentiel pour réussir et devenir des acteurs importants du développement du Sénégal».
Le syndicaliste Saloum Sonko aussi estime qu’il faut une profonde réforme de nos programmes, les allègements souhaités devant concerner toutes les étapes notamment à l’élémentaire concernant surtout le programme d’histoire, de géographie, d’éducation civique et de mathématiques. Nos interlocuteurs sont donc unanimes pour considérer qu’une révision des programmes scolaires s’impose. Bien évidemment, l’élaboration de nouveaux programmes obéit à un certain nombre de critères.
Un débat trop sérieux pour être porté par des élèves !
Selon de M. Sow du Cusems (cadre unitaire des syndicats du moyen et secondaire du Sénégal), «on ne peut pas nier que les programmes sont volumineux par rapport au quantum horaire. Mais, à mon humble avis, les élèves ont tort. Même si ça doit se faire, il y a un préalable. Car la révision des programmes obéit à un certain nombre de critères liés fondamentalement aux objectifs à atteindre mais surtout du niveau par cycle et à la fin de la formation. Et il y a une corrélation entre les différentes disciplines qui fait qu’une révision cohérente entraine une restructuration de plusieurs disciplines. D’où la nécessité d’une révision générale dans le cadre d’une réflexion globale du système», soutient-il.
Saourou Sène, conseiller à la Présidence : «Le débat ne peut pas se régler du jour au lendemain».
C’est comme ils se sont passé le mot pour dire que les programmes sont lourds et que certaines matières ne sont plus adaptées à nos besoins de développement. Il faudrait donc les réviser mais en tenant surtout compte de nos réalités propres pour des contenus plus clairs et plus précis. C’est aussi l’avis de l’ancien secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal (Saemss), Saourou Sène. Cet enseignant qui officie aujourd’hui à la présidence de la République comme conseiller spécial du Président trouve que la révision des programmes scolaires, notamment pour certaines disciplines, s’impose aujourd’hui au regard des ambitions de l’école sénégalaise. «Nous avons besoin d’une école viable, porteuse de progrès et collée aux exigences de notre société. Une société de la technique et du numérique. C’est la vérité. Mais ce n’est pas une grève des élèves d’un lycée qui peut porter ces choses-là. Quelle que puisse être la volonté du gouvernement d’aller vers cette révision, cela ne peut obéir qu’à un processus à travers des pédagogues et autres acteurs du domaine. Cela ne se décrète pas et ne se fait pas du jour au lendemain. Je crois que cela nécessite un diagnostic sans complaisance et minutieux des acteurs de l’Education en fonction de la commande du gouvernement. L’école est une affaire sérieuse. Donc tout ce qui doit être fait, mérite une analyse profonde avec un regard objectif et exhaustif», estime Saourou Sène. En tant que conseiller spécial du Président, Saourou Sène entend porter le combat et mettre le dossier sur la table du président Sall. «D’ailleurs si vous vous souvenez de ma dernière déclaration en tant que secrétaire général national du Saemss (Syndicat autonome des enseignants du moyen et secondaire du Sénégal) lors de notre congrès, en termes de perspectives, j’évoquais la nécessité d’aller vers des réformes sur le plan du contenu de certaines disciplines enseignées. Le caractère désuet voire anachronique de certains curricula est une vérité. Donc l’Internet, le numérique, la technique et la technologie doivent occuper plus de place dans nos programmes «.
Enseignants comme élèves sont unanimes. Le gouvernement doit aujourd’hui exploiter de nouveaux systèmes d’apprentissage à travers l’élaboration de meilleurs programmes plus allégés en termes de contenus, et surtout adapté aux réalités socioculturelles du pays en misant surtout sur le numérique, la technique, les technologies…
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