L’AFRIQUE ET MOI
J’ai dit :
Je veux te chanter, Afrique
Mais n’ai pas trouvé d’idées
Je veux magnifier ton nom
Mais l’inspiration ne vient pas
Je veux dire de toi mille choses agréables
Comme l’ont fait tes enfants immortalisés par leurs chants
Je veux te chanter, Afrique
Mais ne sais que dire de toi
Mais toi tu m’as répondu :
Misérable
Hypocrite
Tu es un misérable, un faux
Ne parle donc pas de moi
Tu as eu soif de sentiment
Et as cherché les filles
Maintenant que tu es déçu
Tu es revenu vers moi
Cet amour que tu viens m’offrir
N’est rien que les débris, les épaves
De celles que tu as dépensées
Pour elles, enfant prodigue
Fais donc taire ta voix
Ta voix rocailleuse et fausse
Car j’en ai d’autres pour me chanter
J’ai mon paysage merveilleux
Les trésors de mon sous-sol
J’ai ma verdure infinie, mon soleil ardent
Et la peau bronzée de mes fils, tes frères
Pour crier haut mon nom
Enfant ingrat que j’ai élevé dans mon sein
Et j’ai dit :
Je te chanterai malgré toi, Afrique
Je chercherai l’Idée :
Tes fils ramassés dans le passé comme des tas d’ordure
Embarqués pour des pays lointains
Les souffrances, les misères qu’ils ont endurées
Les lourdes chaînes à leurs pieds attachées
D’où ont jailli les trésors des Amériques
Leur joie de vivre malgré tout
Et leurs chants…
Car ils chantaient, tes fils
Ils chantaient dans leurs douleurs
Leur amour pour leur Dieu créateur
Ils chantaient dans ces champs qui sont leur enfer
L’hymne unique de leur cœur libre et fier
Libre dans leur corps méprisé, brimé par les Blancs
L’hymne exaltant au Dieu des Noirs
Et dansaient le calypso
Ils ont rougi les calvaires de leur sang
Mais ont apporté un trésor au monde
Trésor de la force de leurs bras,
De leurs chansons, de leur jazz
Qui jamais ne périra
Mais toi tu m’as répondu :
Menteur, menteur tu cherches ta voie
Pour graver ton nom dans le marbre de l’immortalité
Mes fils dont tu parles sont morts
Avec leurs souffrances, leurs peines
Maintenant la vie t’appartient, à toi
Construis-la pour toi et pour tes enfants
Et j’ai dit :
Mais je chanterai tes richesses
Tes forêts vierges et vertes
Ta beauté pure comme le monde à sa naissance
Mais dans ma rêverie profonde
Une voix résonne en moi
Qui me dit : ne chante pas ma beauté
Mais bâtis-moi un présent heureux
Et un avenir radieux
Rêve de me voir un jour
Toucher le ciel de mon front
Rêve de m’enrichir de ta poésie
Qui ennoblira la page du présent
tournée dans le futur
par les fils de tes fils
Regroupe autour de toi mes fils
Pour que tous unis désormais
Vous unissiez vos efforts
Pour bâtir mon bonheur.
Un poème de Victor M.HOUNTONDJI
EXTRAIT DE SON LIVRE ” Couleur de rêves publié aux éditions “Pensée universelle ”
en France en 1977