Pour comprendre le mot art il est nécessaire de convoquer la définition de l’esthétique qui vient du mot grec Aisthesis c’est-à-dire tout ce qui renvoie à la sensibilité, à la sensation, aux sentiments. Dès lors l’esthétique peut être définie comme la science ou la théorie du beau. Autrement dit c’est le domaine de la philosophie qui réfléchit sur la notion de beauté. De ce point de vue s’interroger sur l’esthétique, c’est analyser la question de l’art car celui-ci est une activité consciente par laquelle on recherche le beau par l’intermédiaire d’une œuvre. Par conséquent l’esthétique et l’art ont un seul domaine d’activité : la beauté.
Toutefois l’esthéticien et l’artiste sont différents dans la mesure où le premier est théoricien qui réfléchit, discute et théorise sur ce qu’est le beau alors que le second produit concrètement celui-ci. De toute manière le jugement esthétique de même qu’artistique désigne un jugement d’appréciation sur le beau. Mais le problème est :
- Qu’entend t-on par beau ? Quel est le rapport entre art et réalité ?
- Qu’est ce qui peut justifier une œuvre d’art et quelles sont les fonctions de celle-ci ?
I. Définition de l’art et la notion de beauté
Selon André Lalande : « l’art ou les arts désignent toute production de la beauté par les œuvres d’un être conscient ». De ce point de vue, on remarque que l’art suppose d’abord la conscience. Ainsi il devient une activité spécifiquement humaine. Mais, ce qui est intéressant dans cette définition de Lalande, c’est qu’elle nous apprend que la finalité d’une œuvre d’art c’est de produire la beauté et comme le dit le philosophe français Sponville : « la beauté n’est pas dans la chose regardée ; elle est plutôt dans le regard ». Ce qui veut dire qu’il n’existe pas de beauté absolue ni de beauté en soi. Celle-ci ne peut être appréciée qu’en rapport avec la subjectivité de l’individu qui juge, mais ensuite en rapport avec plusieurs autres facteurs comme la culture, le milieu, l’éducation, l’expérience personnelle… . On tient ferme alors que non seulement la notion de beauté est subjective mais aussi elle est relative. Ainsi, le statut du beau pose un problème philosophique. Entre dire une chose qu’elle est belle et pour quoi elle l’est-il y a toujours une difficulté majeure une question alors se pose 🙁 peut-on identifier le beau ?) On peut dire donc que la beauté est problématique. Cette situation va influencer la définition de l’art parce qu’à son tour celui-ci est non seulement relatif mais aussi problématique et controversé.
- L’art est une activité désintéressée
Selon cette conception, la nature de l’art réside dans son caractère désintéressé. Autrement dit, une œuvre d’art par définition ne doit pas poursuivre un but utilitaire et pratique. Elle doit viser la beauté et rien que celle-ci car comme nous dit Théophile Gautier : « il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir a rien. Tout ce qui est utile est laid ». On comprend alors que l’art n’a pas pour vocation à être au service d’une cause quelconque. C’est ainsi qu’il se distingue de la technique qui désigne des procédés reproductifs et transmissible employés pour obtenir des résultats utiles à la différence de l’art qui doit être une finalité sans fin. Dans son ouvrage : LA CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER KANT écrit : « le beau c’est ce qui fait l’objet d’une satisfaction désintéressé ».
- Art et Plaisir
Selon Jean Lacroix : « une œuvre d’art devrait prendre à la gorge celui qui l’admirerait : là où la joie a manquée, l’art a manqué ».
On remarque donc que la beauté est fortement liée à la joie à la sensibilité. Par conséquent, l’œuvre d’art doit procurer du plaisir. Dire qu’une œuvre est belle, c’est reconnaitre qu’elle nous plait. Mais, par ailleurs pour Kant le beau se défini comme : « ce qui plait universellement sans concept » cette univers alité de la beauté dépend du privilège accordé par KANT à la beauté naturelle. Peut-être les avis peuvent différer sur ce qui est beau, mais chacun sent ce qui est la beauté. Cette beauté ne demande pas une compréhension intellectuelle ni une connaissance par concept. En faisant du plaisir sensible le seul critère du beau on confond le beau et l’agréable. KANT ressoude cette antinomie en définissant le beau comme indépendant du concept. Ainsi pour Kant, la beauté exprime un jugement universalisable et non un sentiment particulier. Je peux dire : « c’est beau, mais cela ne me plait pas ».
II. La relation art et réalité
Le réel se définit comme ce qui est réellement, ce qui existe. Il revoie alors au monde, à l’univers à la nature.
La question qui est posée, c’est comment penser l’art en relation avec la réalité ?
Quelle place doit occuper le réel dans la production artistique ?
On retient deux positions : l’art pour imitation du réel et l’art comme création.
- L’art est une imitation de la réalité :
Cette conception est celle de certains philosophes classiques qui soutiennent que l’art doit imiter la nature, la reproduire de la façon la plus fidèle. C’est le point de vue d’Aristote qui soutient avec fermeté que : « l’art est une imitation de la nature ». L’artiste devient alors un photographe du réel. Dans ce cas il ne s’agit pas de transformer ni de transformer, ni de changer ce qui est ; il faut copier la réalité car selon Dominique Ingres : « l’œuvre d’art n’accède à la perfection qu’en imitant la nature ».
L’artiste n’est qu’un simple interprète de la réalité ; il n’invente pas exemple la misère et la souffrance du peuple sont à relater à peindre telles qu’elles sont.
L’art doit être le miroir de la société qui souffre. Par conséquent il doit reproduire fidèlement la nature, la réalité de manière à convaincre de cette conception d’art Zeuxis peignit des raisins qui avaient une apparence tellement naturelle que les pigeons se tromper et venaient les picorer. Quant à Praxeas il peignit un rideau qui trompa un homme : le peintre lui-même.
La critique de Platon par rapport à l’art comme imitation du réel
Pour Platon : « l’art d’imiter est bien éloigner du vrai ». La raison selon le philosophe grec c’est que l’imitation est une copie du monde sensible qui lui-même est une copie du monde des idées. Ainsi il pense que l’art entant qu’imitation est une illusion ; un mensonge. Les artistes dit Platon « nous maintiennent dans la prison de la cabane ».
Par conséquent « l’art n’est qu’un faux semblant » parce qu’il nous détourne de la vraie réalité.
- L’art comme création
Cette conception est celle des modernes qui font une critique de l’approche imitative. Pour les tenants de la créativité, le but de l’art n’est pas d’imiter la nature mais de s’appuyer sur l’imagination artistique afin de proposer un monde plus riche, plus vaste. En d’autres termes l’artiste doit être un créateur car comme écrit Hegel : « le beau créatif est plus élevé que le beau de la nature ».
Donc, quand Hegel déclare que l’art « appartient au passé » ; cela ne traduit pas qu’on ne produit plus d’œuvre d’art, mais que leur rôle est devenu inessentiel.
« La mort de l’art » ne se manifeste pas par un détachement total vis-à-vis des œuvres d’art, mais par l’apparition d’une nouvelle manière de les aborder. Donc la qualité de la production artistique réside dans la créativité, l’imagination de l’artiste qui, par son art cherche à changer le monde.
André Malraux écrit sur ce point que : « les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du monde ; ils en sont les rivaux ». L’écrivain français explique par-là que l’artiste ne peut se contenter d’une simple reproduction du réel ; il doit s’appuyer sur son art pour transformer cette réalité. Par conséquent l’artiste doit être inventif et être en mesure d’interpréter le réel car faire de l’art c’est être créatif et imaginatif au lieu de se limiter à une simple copie du réel. En vérité, l’artiste original c’est n’est pas celui qui imite personne mais, c’est celui que personne ne peut imiter. Le don de créativité ne se donne pas ; il est unique et on ne peut le transférer. Donc si on ne peut pas imiter un artiste c’est parce qu’il est créatif. On peut dire alors que l’art consiste à recréer la nature en-là transformant selon la représentation que l’artiste en fait. Celui-ci part d’une vision personnelle et c’est cette vision qu’il projette dans son œuvre car comme la si bien dit Kant : « l’art n’est pas la représentation d’une belle chose, mais la belle représentation d’une chose ».