On sait que le contrat c’est un accord de volontés générateur d’obligations. Mais, les accords de volontés sont variés d’où la nécessité de les classer (section 1ère). Et, au-delà de cette classification, il faut souligner un principe fondamental qui gouverne la matière contractuelle et qui est connu sous le nom de principe de l’autonomie de la volonté (section 2).
Section 1 : La classification des actes juridiques
L’acte juridique c’est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. L’acte juridique peut être bilatéral (paragraphe 1er) ou unilatéral (paragraphe 2) : c’est la distinction de base.
Mais au préalable, il faut faire des précisions d’ordre sémantique sur le contrat et la convention. Le contrat est un accord de volontés créateur d’obligations, tandis que la convention c’est un accord de volontés qui peut créer, modifier, transférer ou éteindre des droits.
Par conséquent, la convention est plus large que le contrat : tout contrat est une convention, mais toute convention n’est pas un contrat. La réciproque n’est donc pas vraie. Mais, par commodité de langage, on utilise souvent les deux termes comme étant synonymes.
Paragraphe 1 : L’acte juridique bilatéral
- C’est un contrat dans lequel les obligations des parties sont interdépendantes, réciproques. On l’appelle aussi contrat synallagmatique. La particularité du contrat synallagmatique c’est que chaque partie a le droit de refuser de s’exécuter si son contractant ne s’exécute pas. C’est ce que l’on appelle l’exception d’inexécution.
- Le contrat synallagmatique a pour opposé le contrat unilatéral qui est un contrat dans lequel une seule partie est tenue d’obligations. Par exemple le contrat de dépôt où seul le dépositaire est tenu de restituer ce qu’il a reçu en dépôt.
L’intérêt de cette distinction c’est que le contrat synallagmatique et le contrat unilatéral sont soumis à des formalités probatoires différentes ; le contrat synallagmatique étant soumis à la formalité du double, c’est-à-dire qu’il doit être rédigé en autant d’exemplaires qu’il y a de parties à l’acte. Il faut que chaque partie ait une preuve du contrat. Par contre, lorsque le contrat est unilatéral, seule la partie qui s’engage est tenue à la formalité du « bon pour », c’est-à-dire elle doit rédiger de sa main, en toutes lettres et en tous chiffres, le montant de son engagement.
À côté de cette première sous distinction, il faut ajouter parmi les actes bilatéraux, les contrats consensuels et les contrats solennels.
- Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme dès le seul échange de consentements, sans qu’il soit besoin de respecter une formalité particulière. Le simple échange de consentements suffit pour la validité du contrat.
- Par contre, le contrat est solennel lorsque pour sa validité, il faut en plus une formalité particulière, une formalité solennelle. On dit qu’il s’agit d’une formalité requise ad validitatem ou ad solemnitatem. Par exemple, toute transaction immobilière doit faire l’objet d’un acte notarié à peine de nullité. La formalité requise ici est un acte authentique, un écrit. Mais, cela aurait pu être un acte sous seing privé, cela aurait même pu être un témoignage ou n’importe quelle formalité. Mais, ce qu’il faut retenir c’est que sans cette formalité, le contrat n’existe pas ; il n’est pas valable même si toutes les autres conditions sont réunies. Mais, le principe c’est que les contrats sont consensuels. Les contrats solennels constituent donc une exception ; un contrat pouvant exister sans écrit.
Il y a par ailleurs la distinction entre les contrats commutatifs et les contrats aléatoires.
- Le contrat commutatif c’est le contrat dans lequel les parties peuvent apprécier les avantages que leur procure le contrat ainsi que les obligations qu’il leur assigne dès sa conclusion.
- Par contre, dans le contrat aléatoire, l’appréciation de l’avantage procuré par le contrat est subordonnée à un aléa, c’est-à-dire un événement incertain, de réalisation hypothétique, qui peut se réaliser ou non. Par exemple le contrat d’assurance.
L’intérêt de la distinction c’est que dans les contrats aléatoires on ne peut invoquer la lésion, c’est-à-dire que l’une des parties ne peut contester la validité du contrat au motif que sa prestation est déséquilibrée par rapport à celle de son contractant. On dit à ce propos que l’aléa chasse la lésion.
Il y a aussi la distinction entre contrats instantanés et contrats successifs.
- Le contrat instantané c’est celui qui s’exécute en un trait de temps, en une seule prestation. Généralement, la conclusion et l’exécution sont concomitantes, elles se font en même temps.
- Par contre, les contrats successifs ou à exécution successive sont des contrats dont l’exécution s’échelonne dans le temps. Par exemple, le contrat de bail ou le contrat de travail. Lorsque l’une des parties au contrat successif n’exécute pas son obligation, l’autre peut demander la rupture du contrat. On parle alors de résiliation, alors que s’il s’agissait d’un contrat instantané, on aurait parlé de résolution. La différence entre résiliation et résolution c’est que la résolution rétroagit comme la nullité alors que la résiliation ne produit d’effets que pour l’avenir.
Il y a en outre les contrats à durée déterminée et les contrats à durée indéterminée.
- Les premiers sont assortis de terme, d’une échéance fixée à l’avance. Par exemple un contrat de trois mois.
- En revanche, dans les contrats à durée indéterminée, il y a une absence de précision de la durée.
L’intérêt c’est que dans les contrats à durée déterminée, les parties sont tenues de respecter leurs engagements jusqu’à leur terme. Aucune d’elles ne peut modifier ou rompre le contrat de façon unilatérale avant le terme, sauf en cas de force majeure ou de faute lourde ou grave. Mais, dans les contrats à durée indéterminée chaque partie a un droit de rupture unilatérale parce qu’on veut éviter qu’on ne s’engage à vie de façon perpétuelle. Toutefois, ce droit de rupture unilatérale doit être exercé à bon escient, de façon légitime.
Il y a par ailleurs les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit.
- Dans les contrats à titre onéreux chaque contractant reçoit une contrepartie, un équivalent.
- Tandis que dans les contrats à titre gratuit, une des parties se dépouille d’un élément de son patrimoine sans rien recevoir en retour. C’est un acte de bienfaisance, c’est la préférence d’autrui à soi-même.
Il y a aussi les contrats de gré à gré et les contrats d’adhésion.
- Le contrat de gré à gré c’est le contrat dans lequel les parties discutent chaque élément du contrat jusqu’à convenir d’un accord.
- En revanche, dans le contrat d’adhésion, il s’agit de contrat généralement prérédigé par la partie la plus puissante économiquement et qui ne laisse à l’autre partie aucune possibilité de négociation, celle-ci ne fait qu’y adhérer ou ne pas conclure. Par exemple, le contrat d’abonnement à la SONATEL.
Il faut en conclusion faire allusion aux contrats nommés et aux contrats innommés.
- Les contrats nommés étant ceux qui ont fait l’objet d’une réglementation dans le code et qui ont été expressément nommés (vente, bail, dépôt, mandat, etc.).
- Quant aux contrats innommés, ce sont des contrats qui généralement ont été découverts par la pratique postérieurement et, qui de ce fait n’ont pas fait l’objet d’une réglementation. Mais, cela ne signifie pas pour autant que les contrats innommés ne sont pas soumis au droit. Ce sont des contrats peut être sans loi, mais qui sont assujettis au droit des obligations.
On peut aussi faire allusion aux contrats individuels et aux contrats collectifs.
- Le contrat est individuel lorsqu’il ne lie que les parties qui l’ont conclu, et c’est cela le principe. Il ne peut produire d’effets à l’égard des individus qui n’y ont pas souscrit.
- À l’opposé, le contrat collectif est une exception au contrat individuel parce qu’il s’agit d’un contrat susceptible de développer des effets même à l’égard de gens qui n’ont pas conclu. L’exemple typique c’est la convention collective de travail qui est un accord conclu d’une part entre un employeur ou un groupement d’employeurs et une organisation professionnelle de salariés d’autre part : accord qui porte sur les conditions de travail. Cette convention collective est applicable à tout le personnel de l’entreprise dès l’instant que l’employeur l’a signé ou y a adhéré, même si son personnel ne fait pas partie de l’organisation professionnelle signataire. L’accord collectif est donc une dérogation à l’accord individuel.
Paragraphe 2 : L’acte juridique bilatéral
Il s’agit d’une manifestation de volonté susceptible de créer des effets de droit, mais avec une seule personne qui manifeste une volonté dans ce sens, soit à son profit, soit à sa charge. Il y a des actes juridiques unilatéraux qui ne posent pas de difficultés parce qu’ils sont expressément consacrés par la loi (1). Par contre, il en est d’autres, plus précisément un qui fait l’objet de discussions, de controverses : c’est le problème de l’engagement unilatéral de volonté (2).
1 : Les actes juridiques unilatéraux consacrés
On peut en distinguer plusieurs variétés, soit qu’ils modifient, soit qu’ils transmettent, soit qu’ils éteignent.
- Il y a en premier lieu les actes unilatéraux déclaratifs en ce sens qu’ils ne font que déclarer des situations juridiques préexistantes. Ils ne font que constater ces situations juridiques. Par exemple la reconnaissance d’un enfant naturel.
- Il y a ensuite des actes juridiques unilatéraux translatifs qui opèrent un déplacement d’un patrimoine à un autre. C’est l’exemple du testament, acte par lequel une personne, le testateur, de son vivant détermine la façon dont ses biens seront répartis à partir de sa mort.
- Il y a enfin les actes juridiques unilatéraux extinctifs qui mettent fin à une situation de droit. Par exemple le licenciement du salarié, ou la démission du salarié, ou la révocation d’un mandat.
2 : Le problème de l’engagement unilatéral de volonté
Ici, la question est de savoir si une personne agissant seule peut être tenue vis-à-vis d’une autre, alors que cette autre n’a pas encore accepté, donc il n’y a pas de créancier. Certes, nul ne peut se créer des droits à son profit par sa seule volonté, nul ne peut créer une créance sur autrui par sa seule volonté. La question de l’engagement unilatéral de volonté est à envisager par rapport à la situation du débiteur. Ce dernier peut-il être tenu par sa seule volonté sans qu’il y ait un créancier ? Certains droits l’acceptent, notamment le droit allemand. Mais, les droits français et sénégalais sont réticents, même s’il y a des hypothèses que l’on ne peut expliquer que par la théorie de l’engagement unilatéral de volonté. À priori, le droit sénégalais ne semble pas favorable à une telle théorie, parce qu’il décide qu’en cas d’incapacité ou de décès de l’offrant, l’offre devient caduque, elle ne passe pas aux héritiers. Ce qui peut vouloir dire que l’auteur prédécédé n’était pas tenu par son offre.
Sous réserve de ces considérations terminales, le droit des contrats est tout imprégné d’un principe fondamental que l’on appelle le principe de l’autonomie de la volonté.
Section 2 : Le principe de l’autonomie de la volonté
Tout le droit des contrats doit être nécessairement apprécié à la lumière de ce principe dont il faut souligner la signification (paragraphe 1er) avant de relever les atteintes qui lui ont été apportées (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La signification du principe de l’autonomie de la volonté
Ce principe signifie qu’en matière contractuelle c’est la volonté qui règne et qui gouverne. Les parties bénéficient d’une liberté quasi absolue sur tout ce qui concerne leur contrat. Elles sont libres de contracter ou de ne pas contracter. Leur contrat est valablement formé dès le seul échange de leur volonté. C’est le principe du consensualisme. Les parties sont libres de négocier le contenu de leur accord, les différentes clauses, les modalités d’exécution, voire les causes d’extinction de leur contrat. Il suffit qu’elles manifestent leur volonté, celle-ci est autonome, elle n’a pas besoin d’autre support et le législateur n’a pas à s’en mêler. Le contrat n’est pas de son ressort.
Le principe de l’autonomie de la volonté a pu être expliqué pour diverses raisons. D’abord on a fait valoir que les parties sont les mieux placées pour apprécier leurs intérêts, parce qu’on est toujours mieux servi par soi-même. Ensuite, les parties bénéficient d’une certaine liberté dans la conclusion et l’exécution du contrat. Elles recherchent le juste dans le contrat et comme elles sont dans une situation égalitaire, elles vont y aboutir plus facilement que la loi. Le législateur n’a pas à intervenir. C’est pourquoi on dit « Qui dit juste dit contractuel ». Ce sont les parties elles-mêmes qui sont à la mesure de leur contrat. Elles sont mieux armées que quiconque pour la défense de leurs intérêts. Ce principe a connu ses heures de gloire pendant tous les 18e et 19e siècles, mais il a fini par être remis en cause à la suite de l’évolution contractuelle.
Paragraphe 2 : Les atteintes à l’autonomie de la volonté
La première atteinte c’est l’exigence de l’ordre public. Certes, les parties sont libres, elles peuvent tout faire, mais dans un Etat de droit les intérêts particuliers ne peuvent pas prévaloir sur l’intérêt général. L’ordre public constitue donc la limite naturelle au principe de l’autonomie de la volonté.
Il s’y ajoute par ailleurs que l’égalité entre les parties est une illusion optique pour certains contrats, notamment dans les contrats d’adhésion où l’autre partie n’a comme alternative que de se soumettre. Il y a donc un décalage entre l’égalité formelle et l’égalité réelle et, c’est précisément à ce propos qu’on a pu écrire, pour justifier l’intervention du législateur « qu’entre le fort et le faible c’est la volonté qui opprime et c’est la loi qui libère ». Il y a en effet toute une série de contrats où l’une des parties est faible par rapport à l’autre. Elle a donc besoin d’une certaine protection pour rééquilibrer le contrat. Le juge peut certes y procéder en recourant à l’équité, mais il est préférable que cela soit l’œuvre du législateur. C’est cette philosophie de rééquilibrage contractuelle qui constitue l’une des manifestations les plus éclatantes de la remise en cause du principe de l’autonomie de la volonté.
L’ordre public s’est amplifié en se diversifiant avec aujourd’hui comme principale distinction l’ordre public de direction par lequel la loi intervient sur l’économie et l’ordre public de protection qui vise à protéger l’une des parties. Finalement, la liberté contractuelle s’est amenuisée. La volonté reste toujours autonome, mais il s’agit d’une autonomie édulcorée, même si depuis quelques temps on constate un nouvel essor contractuel. Le droit des contrats doit être étudié à travers ces deux oscillations que sont l’autonomie de la volonté et la nécessité d’assurer une meilleure justice contractuelle en tant que de besoin par le rééquilibrage du contrat. C’est cette perspective qui oriente l’étude de la formation du contrat comme de ses effets.
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