Pour lutter contre le chômage, l’Afrique doit revoir en profondeur sa manière de former sa jeunesse. Cela passe, entre autres, par l’utilisation des langues locales et la prise en compte des réalités socioculturelles des différents pays du continent.
Lors du sommet des Nations unies sur la transformation des systèmes éducatifs, en septembre 2022, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, avait évoqué dans son discours la nécessité de décoloniser les systèmes éducatifs en vue d’un monde meilleur. L’éducation africaine est inspirée du modèle occidental. C’est l’un des héritages de la colonisation. Mais, comme le dit un proverbe : « Un homme sans culture est un zèbre sans rayures. » L’Afrique ne pourra donc se développer si sa jeunesse ignore tout de ce qui fait son identité, sa culture, son histoire et sa genèse. Pour une meilleure prise de conscience des enjeux de la part des Africains eux-mêmes, il est important que l’école éduque et sensibilise sur l’histoire du continent. Il faut donc enseigner autrement, « décoloniser » l’éducation africaine.
Transformer le système éducatif
Les systèmes éducatifs africains ont connu de grandes évolutions. À l’image de ceux des ex-colonisateurs au moment des indépendances, ils sont passés de la pédagogie traditionnelle à l’approche par les compétences. Un cadre théorique qui ne prend pas en compte les réalités socioculturelles des pays.
Les systèmes éducatifs actuels enseignent aux enfants l’histoire des pays pendant la période coloniale et, donc, sous l’emprise des pays développés. En histoire, les principaux enseignements portent essentiellement sur l’existence de quelques souverains et royaumes africains. Or, parce que l’Afrique est le berceau de l’humanité, son histoire ne peut se résumer à des évènements qui ont eu lieu uniquement sur un seul siècle, c’est-à-dire pendant et après la colonisation. Il est important que les systèmes éducatifs africains fassent l’objet d’une transformation et d’une « décolonisation » des curricula. Afin de donner aux enfants un sentiment d’appartenance, une envie d’apprendre et d’entreprendre pour leur épanouissement.
Pour que les enfants aient une réelle ouverture d’esprit, le passé du continent doit être un objet d’étude; l’enseignement doit se fonder sur une réalité sociale et culturelle. Il est utile d’intégrer dans les systèmes éducatifs des sorties culturelles dans des musées d’art africains mais aussi dans des centres historiques. En 2020, près de 90 000 objets d’art d’Afrique ont été restitués. Une démarche qui a été saluée. Mais qu’il est important d’exploiter à travers leur conservation et utilisation pour instruire les enfants.
Mettre en avant les langues nationales
Intensifier l’apprentissage des langues maternelles et intégrer leur apprentissage dans les systèmes éducatifs. Il est essentiel de promouvoir leur utilisation afin que ces langues, qui sont de véritables patrimoines culturels, ne meurent pas. Les élèves seront donc initiés aux langues maternelles, du primaire au collège. Elles deviendront par la suite obligatoire dans les séries littéraires au lycée, et une option pour les autres séries. Des travaux de recherche du Bureau international d’éducation (BIE, Unesco) en attestent la pertinence.
Depuis 2020, l’anglais n’est plus la seule langue officielle dans l’État de Lagos au Nigeria. Elle a été remplacée par le Yoruba. En Mauritanie aussi, les discussions au Parlement peuvent se faire en quatre langues nationales. Il est important d’encourager de telles initiatives. Un moyen d’avoir une approche inclusive et de ne laisser personne en marge de la société tout en valorisant le patrimoine culturel africain.
Les cours d’histoire doivent accorder une large place à l’histoire générale de l’Afrique, passant de l’époque égyptienne à celle des indépendances de nos pays. Pour autant, cet apprentissage ne doit pas remettre en cause les cours sur les différentes histoires ayant impacté l’Humanité. L’école doit permettre une ouverture d’esprit et / au monde chez les enfants. Leur permettre d’en savoir beaucoup plus sur l’Afrique mais aussi sur les autres continents afin qu’ils puissent avoir une culture complète. La géographie doit aussi faire l’objet d’une refonte et permettre aux enfants d’apprendre sur les pays d’Afrique.
S’inspirer des auteurs africains…
Continuer à mettre en lumière les auteurs africains et permettre à la jeunesse d’apprendre sous l’œil d’auteurs auxquels ils s’identifier. Que les poèmes et chansons que l’on apprend au primaire ne se limitent pas aux fables de La Fontaine, mais aux comptes et poèmes d’Afrique. Plusieurs ouvrages remarquables sont publiés chaque année par d’auteurs africains, des romans, des fictions, des idéologies, des poèmes…
Ils doivent être valorisés et permettre à la jeunesse de prendre conscience des talents dont regorge l’Afrique. Selon Crahay, Audigigier et Dolz, une éducation doit prendre en compte l’impact des traditions culturelles, des croyances, des convictions, des valeurs des enseignants, des décideurs politiques et des parents.
Le continent recèle d’une richesse culturelle immense, diverse et variée. Il est temps de mettre en place une éducation basée sur des curricula africains, un contexte africain et une idéologie africaine pour permettre aux générations futures de s’ouvrir et de prendre conscience du potentiel continental.