La garde du troupeau
La garde de notre troupeau était compliquée. On n’eût point découvert, à des lieues à la ronde, un troupeau moins paisible que celui de l’école. Il suffisait qu’un cultivateur possédât une bête vicieuse, nous étions assurés de voir cette bête rallier notre troupeau. La ladrerie expliquait que ce cultivateur n’avait d’autre souci que de se débarrasser de sa bête. Et il s’en débarrassait à très bas prix. L’école se précipitait sur la prétendue aubaine. Notre école possédait ainsi la plus singulière, la plus variée, la plus complète collection de bêtes au coup de corne sournois ou se défilant à gauche quand on les appelait à droite.
Ces bêtes galopaient follement dans la brousse, comme si un essaim d’insectes les eût constamment turlupinées. Nous galopions après elles sur des distances invraisemblables. Elles paraissaient plus portées à se disperser ou à se battre entre elles qu’à chercher pitance.
D’après Camara Laye, L’enfant noir.