Appelés aussi genres ou encore sous-genres romanesques, les types de roman ont évolué dans le temps. Leurs particularités sont liées souvent liées à la forme, à la source d’inspiration ou à l’objectif du romancier. Les distinguer permet de pouvoir les désigner à juste titre dans un commentaire de texte ou s’en servir à bon escient comme arguments dans une dissertation portant sur le roman. En voici les plus fréquents, même s’il faut avouer que cette liste est loin d’être exhaustive.
1. LE ROMAN HISTORIQUE.
Certains romanciers se proposent de ressusciter le passé de leur pays où de revisiter la mémoire collective d’une communauté ou d’un continent. L’action se situe alors dans une époque très reculée dans le temps. Rappeler ce passé à ceux qui l’auraient oublié, l’apprendre à la nouvelle génération qui l’ignoraient royalement, tels sont souvent les objectifs que se fixe l’écrivain qui s’adonne à ce type de roman. Les réalistes affectionnent beaucoup ce type de roman auquel ils réussissent grâce à une minutieuse documentation pour rester fidèle à l’histoire stylistiquement réactualisée. Nous en avons l’illustration dans Les Bouts-de-Bois de Dieu cher à Ousmane Sembène.
2. LE ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE.
Ici, le romancier représente des événements de sa vie, ses expériences personnelles, comme dans Les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand ou dans L’enfant noir de Laye Camara. L’écrivain qui écrit, le narrateur qui raconte et le personnage principal qui agit ne font plus qu’un. Le roman autobiographique a cependant des variantes : la confession et les mémoires. Dans la confession, le romancier raconte ses tourments et ses passions, confesse ses erreurs et les fautes qu’il a commises ou rétablit la vérité sur son passé ; Les Confessions et ses pages magnifiquement bien écrites par Jean-Jacques Rousseau peuvent nous donner raison. Dans les mémoires, l’auteur raconte des événements auxquels il a participé ou dont il a été témoin ; les romantiques en ont beaucoup fait usage pour révéler leur intimité au public.
3. LE ROMAN DE MOEURS.
On l’appelle aussi « roman social » ou encore « roman réaliste ». Là, l’écrivain privilégie la description d’un environnement, la peinture des caractères par l’étude sociale et psychologique d’un milieu. Les réalistes, les naturalistes ainsi que les écrivains de la Négritude l’utilisent particulièrement pour représenter la vie sous toutes ses formes (Madame Bovary de Gustave Flaubert), pour dénoncer une injustice (Germinal d’Émile Zola) ou encore pour faire le procès de certaines catégories sociales (La Grève des battù d’Aminata Sow Fall). Le romancier construit son récit, présente ses personnages, de façon à donner au lecteur l’impression de la réalité ; le cadre spatio-temporel appartient au monde réel et les personnages traversent des situations empruntées à la vie courante, quotidienne. Les réalistes et les naturalistes sont encore restés maîtres dans cet art de démonter les mécanismes sociaux qui écrasent les individus, de souligner l’influence du milieu et de l’hérédité, de faire place à ceux qui sont exclus.
4. LE ROMAN ÉPISTOLAIRE.
À proprement parler, le roman épistolaire est moins un type qu’une forme de roman, car l’histoire parvient au lecteur par lettres. Les personnages y rapportent leurs découvertes, y confient leurs émotions, y entretiennent le dialogue avec un être cher. Si la lettre donne l’opportunité de rapporter directement un témoignage, d’exprimer un sentiment, elle est aussi un appareil de séduction, une conquête du destinataire. Le plein essor de cette forme de roman s’installe au cœur du XVIIIème siècle qui privilégie l’échange d’idées et de sensibilités, l’ironie philosophique, l’exaltation des passions amoureuses… comme c’est le cas de Lettres persanes de Montesquieu, Julie ou la nouvelle Héloïse de Rousseau, Les Liaisons dangereuses de Laclos. Plus près de nous, on peut citer Une si longue lettre, roman auquel Mariama Bâ a donné une forme épistolaire.
5. LE ROMAN D’ANALYSE.
On l’appelle aussi « roman psychologique ». Il se consacre à l’exploration des sentiments de personnages souvent partagés entre l’amour et la vertu, le désir et son renoncement. Dans un cadre spatial restreint, étouffant à la limite, écrit dans un style sobre et dépouillé, le roman d’analyse décrit leurs réactions devant une passion soudaine qui les déborde, un choix de vie difficile. Anxieux, tourmentés, ces personnages s’analysent eux-mêmes, entre exigence et lucidité. Ce type de roman s’illustre déjà au XVIIème siècle avec, par exemple, La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette, dans un siècle qui aime l’étude des caractères ; il était aussi très en vogue à l’époque romantique, à l’instar de la Confession d’un enfant du siècle de Alfred de Musset.
6. LE ROMAN D’AVENTURES.
Appelé quelquefois « roman d’apprentissage » ou encore « roman de formation », le roman d’aventures est un récit dont l’intérêt est soutenu par la multiplicité des épisodes et les rebondissements d’une action qui entraîne les personnages dans des péripéties parfois fantastiques. Le romancier nourrit le dessein de nous arracher à la pesante vie quotidienne, de nous introduire dans un monde où le héros coure des risques et, d’abord, le risque de mourir. En dehors du divertissement qu’il suscite, ce type de roman nous permet de connaître des époques, des mœurs (comme dans Une Vie de boy de Ferdinand Oyono) et de découvrir des paysages exotiques (comme dans Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne ou encore Les Trois Mousquetaires de Alexandre Dumas). Mais au XXème siècle, des romanciers comme Malraux et Saint-Exupéry renouvellent le roman d’aventures en refusant les médiocrités et les conventions sociales ; désormais, l’aventurier s’engage dans un dépassement de soi ; pour lui, l’action est un défi qui donne un sens au monde, comme les héros de Vol de nuit.
7. LE ROMAN POLICIER.
Également appelé « polar », il développe une action violente dans laquelle l’auteur expose les efforts d’un détective (professionnel ou amateur), pour éclaircir une affaire mystérieuse : un vol, une disparition, une mort inexplicable… conduisent le héros à chercher des indices ou des mobiles, à interroger des suspects, à résoudre l’énigme, en un mot. Des policiers, des espions, des criminels et des agents doubles cohabitent et luttent sans merci. Chaque personnage joue un rôle bien précis : victime, témoin, suspect, coupable, assassin… comme c’est le cas dans Les Gommes de Alain Robbe-Grillet. De toute façon, au terme de l’enquête, la violence est déchiffrée, l’ordre restauré.
8. LE ROMAN D’ANTICIPATION.
Le roman d’anticipation est un récit d’aventures fantastiques (incroyable, trop beau pour être vrai) placé dans un avenir imaginé d’après les découvertes ou les hypothèses scientifiques les plus récentes. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains l’appellent « roman de science-fiction ». La plupart des romans de Jules Verne sont des romans d’anticipation, comme Voyage au centre de la terre ou encore De la Terre à la Lune.
9. LE ROMAN PHILOSOPHIQUE.
Il s’agit d’un type de roman qui développe la pensée philosophique de son auteur qui transparaît sous ou derrière l’histoire racontée. Celle-ci n’est alors qu’une façade (non négligeable) pour asseoir toute une façon de voir le monde, par le biais des actes effectués ou des paroles prononcées par le ou les personnages en action. C’est cette nouvelle tendance qui se remarque avec les romans de l’absurde ou les romans existentialistes, à l’instar de L’Étranger d’Albert Camus ou La Nausée de Jean-Paul Sartre, pendant et même après la seconde guerre mondiale.
10. LE NOUVEAU ROMAN.
Ce terme est employé par les romanciers d’après-guerre qui ambitionnent de bouleverser les codes narratifs traditionnels. Le nouveau roman est idéaliste (pas formaliste) pour mieux rendre compte de cette incohérence d’une conscience qui s’exprime généralement à la première personne. Michel Butor, Claude Simon, Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet, etc. ne s’étant même pas constitués en école ou mouvement, en sont les initiateurs, complètement en porte-à-faux avec le roman traditionnel trop conformiste. Ici, nous avons affaire à une aventure de l’écriture, beaucoup plus qu’à une écriture de l’aventure, si je puis dire…
Pour tout dire, le roman offre une panoplie de types accordée au romancier, comme s’il s’agissait d’un carquois qui contient plusieurs flèches dont les cibles sont multiples. Mieux encore, un même roman peut réunir plusieurs types, aussi étroit qu’en soit l’espace narratif.
Introduction.
Le roman est un récit littéraire, c’est-à-dire artistique, relaté par la voie de la narration, du dialogue et de la description, (les trois formes textuelles) et représenté par des personnages en action. Ce récit littéraire se distingue des autres récits prosaïques par la longueur (on peut ainsi l’opposer à la nouvelle), par sa vraisemblance (il se différencie sur ce point du conte), par sa forme artistique (éloignée de celle des récits documentaires par exemple). Quoi qu’il en soit, le roman ne date pas d’aujourd’hui ; sa longévité et les différentes circonstances pour lesquelles des écrivains y jettent leur dévolu justifient les nombreuses fonctions qu’on peut lui attribuer, aussi bien pour le romancier que pour le lecteur. Nous les étudierons selon leurs rapports avec la réalité, l’artiste, le lecteur et le temps.
I. RÉALITÉ ET FICTION
1. La photographie du réel
C’est lorsque l’histoire racontée est inspirée du réel car, comme l’a dit Stendhal dans Le Rouge et le Noir au chapitre XIX de la deuxième partie : « un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route ». Ainsi, pour plusieurs romanciers, l’œuvre d’art doit faire vrai, c’est-à-dire être vraisemblable pour atteindre l’un de ces trois objectifs.
D’abord, le roman peut se révéler comme un moyen efficace de ressusciter le passé afin de rappeler à la nouvelle génération ce qu’elle a oublié ou qu’elle a banalisé, car quiconque connaît bien son passé gère bien son présent pour mieux préparer son avenir. C’est le cas de l’œuvre de Ousmane Sembène, Les Bouts-de-bois de Dieu, un ROMAN HISTORIQUE où l’écrivain de la négritude met en scène toutes les conséquences sociales de la grève des cheminots du Dakar – Niger, en pleine époque coloniale.
En outre, pour d’autres écrivains, le roman est un cadre idéal pour reproduire leur propre vie. En effet, des romanciers relatent avec beaucoup de fidélité des événements dont ils ont été témoins ou acteurs. C’est l’exemple du ROMAN ÉPISTOLAIRE ou du ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE (même si l’auteur s’en défend) de Mariama Bâ intitulé Une si longue lettre où l’histoire est un simple prétexte pour fustiger toutes les habitudes peu catholiques des dérives sociales mais aussi des hommes irresponsables envers des femmes vertueuses.
Enfin, d’autres encore utilisent le roman comme moyen de révolte contre une injustice subie par la société à cause d’autorités uniquement dévouées à se remplir les poches. Que la critique soit satirique, pathétique ou humoristique, chacun des tons employés va dans le sens de démasquer les vrais responsables qui maltraitent de pauvres innocents. À titre indicatif, on se souvient des romans de contestation produits par des écrivains négro-africains ou encore le ROMAN SOCIAL ou ROMAN DE MOEURS des réalistes et des naturalistes, à l’instar de Émile Zola qui décrit imperturbablement, dans Germinal, la misère, la fatigue, la vieillesse, les risques du métier, etc. auxquelles est exposée la pléthorique classe prolétaire au grand bénéfice des bourgeois minoritaires.
En un mot, si ce n’est pas pour immortaliser le passé ni pour parler de soi selon des raisons diverses, c’est pour soigner nos habitudes quotidiennes que la plupart des romanciers s’inspirent de plus près du réel qu’ils tentent de restituer avec fidélité.
2. L’invention du réel
Avant la découverte et l’utilisation, à portée de main, des nouvelles technologies telles que la radio, la télévision, le téléphone, Internet…, nombreux furent les lecteurs qui cherchaient dans les romans (et jusqu’à présent) un moyen de se soulager des soucis quotidiens liés au travail, à la famille, aux sentiments, et de s’en éloigner, ne serait-ce que pendant quelques instants de lecture. Nombreux également sont les romanciers qui leur en offrent généreusement l’opportunité par le biais du livre, ce formidable instrument qui permet de voyager sans bouger. En effet, restée un loisir à part entière, la lecture offre l’opportunité d’aller à la découverte des lieux féeriques, célèbres historiques, qui côtoient si harmonieusement notre environnement immédiat ou psychologique que le lecteur a l’impression d’y être allé. Les actions sont multiples et les intrigues suscitent davantage la curiosité, sans parler des héros avec qui nous sympathisons à telle enseigne qu’on oublie, pendant le temps que dure la lecture, tous les soucis.
Ainsi, les types de romans qui s’associent à ce projet sont les ROMANS D’AVENTURE, les ROMANS D’ANTICIPATION, les ROMANS POLICIERS, les ROMANS DE JEUNESSE. C’est exactement comme l’œuvre de Jules Verne d’ailleurs adaptée à l’écran sous forme de dessins animés et intitulée Le Tour du monde en 80 jours ; en compagnie de son domestique Jean Passepartout, Phileas Fogg déjouera-t-il tous les pièges et les pronostics en réussissant son pari fou de faire le tour de la terre en moins de deux mois et vingt jours, au beau milieu du XIXème siècle, alors que les moyens de transport moderne, cahin-caha, n’en étaient qu’à leurs premiers balbutiements ? Telle est la récurrente question que le lecteur se pose au milieu de tous ces soubresauts, de ces coups de théâtre, de ces nombreux obstacles qui se mettent en travers du parcours du héros.
II. SUBJECTIVITÉ ET OBJECTIVITÉ
1. Le produit de la subjectivité
L’adjectif « subjectif » a pour radical le mot « sujet ». Ainsi, on dit d’un romancier qu’il est « subjectif » lorsque transparaissent dans son discours des affirmations gratuites, personnelles. Ici, l’auteur en général, le romancier en particulier devient son propre sujet. Voici deux romans qui, principalement, offrent une orientation subjective du romancier qui s’y adonne : le ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE et le ROMAN PHILOSOPHIQUE. Pour le premier, l’auteur restitue son histoire selon des orientations aussi variées qu’enrichissantes. Si certains romanciers s’en servent, c’est pour faire de leur propre vie une source d’inspiration qui dresse souvent un tableau sans complaisance de leur passé. L’un offre des envolées subjectives lorsque son auteur parle de lui-même (René de François-René de Chateaubriand) pour faire la paix avec sa conscience en révélant une partie de sa vie ; l’autre peut être subjectif aussi quand le romancier philosophe expose sa vision d’une certaine absurdité du monde (L’Étranger d’Albert Camus).
2. Le produit de l’objectivité
L’adjectif « objectif », lui, a pour radical le mot « objet ». On dit d’un romancier qu’il est « objectif » lorsque rien, dans son discours, ne révèle des propos se rapportant à sa vie, sa pensée intime, son état d’esprit ou son état d’âme. Là, l’auteur en général, le romancier en particulier, n’est intéressé que par l’objet représenté. Pour y parvenir, le ROMAN DE MŒURS et le ROMAN HISTORIQUE sont les plus prisés. C’est le cas dans Les Misérables où Victor Hugo dresse un réquisitoire sans complaisance de la société contemporaine de l’époque en offrant une peinture sociale qui dépasse même les frontières de la France pour servir d’exemple à toutes les sociétés humaines et inciter celles-ci à revoir les lois pour les revoir, les équilibrer, les humaniser davantage. D’ailleurs, dès la préface de ce roman, Hugo affirme : « tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles ». C’est aussi ce même souci d’objectivité qui a donné naissance à des œuvres comme Les Bouts-de-Bois de Dieu de Ousmane Sembène, Salammbô de Gustave Flaubert, Claude Gueux de Victor Hugo… Par ailleurs, contrairement à ce que certains ont tendance à croire, tout n’est pas subjectif dans un roman ; en d’autres termes, l’artiste choisit des tranches de vie certes liées à sa propre expérience mais les moule dans des passages rondement bien accomplis ; c’est cela qui lui donne son caractère artistique. C’est aussi une parmi les raisons pour lesquelles Saint-Beuve, un grand critique d’art du XIXème siècle, disait : « tel arbre tel fruit ».
III. ÉTAT D’ÂME ET ÉTAT D’ESPRIT
Si « l’état d’âme » est tout ce qu’on éprouve sur le cœur et qu’on extériorise, un « état d’esprit », lui, exprime ce qu’on a dans la pensée. Ils sont si réconciliables qu’on les retrouve dans un même corps de personnage, l’un n’étant que le produit de l’autre et vice-versa.
1. L’état d’âme
Des écrivains emploient aussi le roman afin de mettre en scène l’homme en lutte avec ses passions, ses propres sentiments. Les actions y existent certes mais elles sont rares ; les plus fréquentes se passent de l’intérieur, dans la psychologie des personnages. Les interrogations, les moments d’angoisse, les dilemmes… constituent le lot quotidien auquel ceux-ci font face ; la plupart sont en proie à des situations apparemment insurmontables. Certains en sortent affranchis et agrandis ; d’autres en sont à jamais esclaves. Le romancier trace ainsi au lecteur, de manière explicite ou implicite, les voies et moyens à arpenter pour éviter les excès passionnels qui aveuglent, surtout si on sait interpréter, à travers le succès ou l’échec du personnage en question, et savoir si le résultat des choix ou des actes posés nécessite qu’on s’en inspire ou qu’on s’en méfie, si la même chose devait nous arriver un jour. Ces personnages sont certes des « êtres de papier » mais rien ne les différencie du commun des mortels puisqu’ils éprouvent des sentiments universels.
Ces romanciers qui illustrent cette ambition s’expriment en général dans le ROMAN D’ANALYSE, le ROMAN ÉPISTOLAIRE, le ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE… D’ailleurs, nous en avons l’illustration avec La Princesse de Clèves, roman dans lequel Madame de La Fayette décrit en détail les émois et la bataille psychologique où se trouvent confinés les personnages, les uns pour attendrir ou conquérir l’objet de leur passion (M. de Clèves et M. de Nemours), les autres (Mme de Chartres et sa mère) pour le repousser avec délicatesse à cause de la morale et la bienséance.
2. L’état d’esprit
Un état d’esprit exerce toujours ses actions dans la pensée, que ce soit dans celui de l’auteur, du lecteur ou des personnages. D’abord, pour ce qui s’agit de l’auteur, généralement, si ce n’est pas en rapport avec sa personnalité (ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE), sa philosophie (ROMAN PHILOSOPHIQUE), son état d’esprit illustre son engagement (ROMAN DE MŒURS). D’ailleurs, c’est pour la première raison que Rousseau affirmait dans la préface des Confessions (1782) : « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature. Et cet homme, ce sera moi. Moi seul ». Puis, pour ce qui s’agit du lecteur, c’est l’occasion de prendre conscience de son existence d’abord, de savoir ensuite qu’il n’a pas une vie à lui tout seul et qu’enfin un roman est un excellent moyen de prendre du recul et de trouver un renfort de réconfort dans la solitude puisque « la lecture éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin », comme disait Voltaire. Montesquieu avouait lui aussi en ces termes : « je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipée ». Pour ce qui s’agit des personnages enfin, comme on a l’habitude de le dire, ce sont des « êtres de papiers » ; leurs actes, leurs paroles, leur existence sont comme des traits d’union entre l’auteur et le lecteur dont ils prolongent la pensée universelle, l’esprit de jugement, le discernement du bien du mal. A ce propos, Stendhal affirmait : « un roman est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons, c’est l’âme du lecteur ».
IV. PASSÉ, PRÉSENT ET FUTUR
1. Le passé.
Il y a des romans qui restituent des événements s’étant produits dans un temps passé. Ce passé peut appartenir à la vie proche de l’auteur lui-même (ROMAN AUTOBIOGRAPHIQUE) ou à des personnages réels situés dans un temps plus reculé (ROMAN HISTORIQUE). Quoi qu’il en soit, le récit repose sur un événement réel, connu et déjà vécu. Le narrateur en devient soit un témoin oculaire, actif ou passif, soit un historien esthète qui ne choisit que des séquences en rapport avec l’objectif que l’auteur s’est fixé. Chez les romanciers de la Négritude, comme l’a dit Ousmane Sembène, « le roman n’est pas seulement […] témoignage […] mais une action […] au service de l’homme, une contribution pour la bonne marche en avant de l’humanité ».
2. Le présent.
Y a-t-il un roman qui ne nous libère pas du poids pesant des soucis quotidiens ? Quel est le roman qu’on lit, de la première ligne à la dernière, sans en tirer une connaissance historique, sociale, politique, culturelle, sentimentale, langagière ? Il n’y en a pas, tout simplement. Qu’un récit soit réel ou fictif, il n’existe aucun moment de lecture qui ne soit bénéfique à celui qui s’y adonne, même si l’on ne partage pas certaines opinions que le romancier y développe. On est comme téléporté car on voyage sans bouger du siège où l’on est assis. Ou on y assimile la maîtrise de la langue (orthographe, grammaire, conjugaison, vocabulaire…), ou on s’instruit par les sciences humaines (histoire, biologie, zoologie…) ou on apprend une culture nouvelle (coutume, habillement, croyance…), ou on en tire une leçon de morale (le bien contre le mal). Et les types d’écrits qui démontrent bien cette représentation du monde actuel, c’est le ROMAN DE MŒURS.
3. Le futur.
Il existe également des romans dont l’histoire repose sur un futur qui fait la somme du passé des hommes et de leur présent. Le récit devient vraiment visionnaire, simplement fantaisiste ou, mieux encore prémonitoire. L’action représentée se dérouler alors généralement dans un milieu spatio-temporel imaginaire tout autant que le récit lui-même est inventé. Le ROMAN D’ANTICIPATION en a l’apanage surtout. Pour preuve, il suffit de lire le roman de l’Américain Morgan Robertson intitulé Futility (1898). Celui-ci décrit quatorze ans avant, avec des détails qui donnent le frisson, les mêmes circonstances qui ont causé le naufrage du Titanic dans la nuit du 13 au 14 avril 1912. C’est à croire que l’écrivain possède ce génie qui, comme dans la physique quantique, lui permet de vivre ici et ailleurs, d’entrevoir le réel sous tous ses angles et donc de l’anticiper, d’où cette audacieuse opinion de Jean Cocteau : « un roman est un mensonge qui dit toujours la vérité ».
Conclusion.
Il existe une infinité de fonctions qu’on peut attribuer au genre romanesque, sans omettre que les formes ont tout le temps été renouvelées, du roman traditionnel (Atala de François-René de Chateaubriand) au roman baroque (le Tiers Livre de François Rabelais), du roman de l’absurde (L’Étranger d’Albert Camus) au nouveau roman (Les Gommes d’Alain Robbe-Grillet), sans oublier le roman du roman (L’emploi du temps de Michel Butor)… tout y passe ! Selon les besoins du moment ou bien le courant littéraire auquel il appartient, chaque romancier adapte ce genre littéraire à son propre besoin.
Issa Laye Diaw
Donneur universel
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