Texte 1
Notre point de départ, c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules l’habileté de plus d’un architecte.
Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté. Et cette subordination n’est pas momentanée. L’œuvre exige pendant toute sa durée, outre l’effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même résulter que d’une tension constante de la volonté. Elle l’exige d’autant plus que, par son objet et son mode d’exécution, le travail enchaine moins le travailleur, qu’il se fait moins sentir à lui comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot, qu’il est moins attrayant.
Marx Le Capital, livre I, éditions sociales, 1978, pp 180
Texte 2
Abeilles, termites, castors, bâtissent de merveilleux édifices. Les fourmis connaissent l’agriculture, les travaux de voirie, l’esclavage et la conduite des opérations de guerre. L’éducation des petits, les travaux de fortification et les migrations organisées apparaissent comme très répandus. Tout ce que l’homme accomplit, un animal ou un autre l’a fait. La vie librement mouvante, dans sa généralité, comprend les tendances qui existent, latentes, en tant que POTENTIALITES. L’homme n’accomplit rien qui ne soit à la portée de LA VIE EN GENERAL.
Et néanmoins, tout ceci n’a fondamentalement aucun rapport avec la technique humaine. De telles techniques génériques sont INVARIABLES : voilà bien ce que signifie le terme « instinct ». La « cogitation » animale étant strictement tributaire du « ici-et-maintenant » immédiat, et ne tenant compte ni du passé ni de l’avenir, elle ne connait pas non plus l’expérience ou l’angoisse. (…….). La technique générique est par conséquent non seulement invariable, mais également IMPERSONNELLE.
La caractéristique exclusive de la technique humaine, au contraire, est qu’elle est INDEPENDANTE de la vie de l’espèce humaine. C’est, dans l’histoire entière du monde vivant, l’exemple unique d’un individu qui s’affranchit de la contrainte générique. Il importe de méditer longuement sur cette pensée si l’on veut en saisir les implications infinies. Dans l’existence de l’homme la technique est constante, arbitraire, modifiable, personnelle, IMAGINATIVE ET INVENTIVE. Elle peut s’apprendre et être perfectionnée. L’homme est devenu le CREATEUR de sa tactique vitale : là est sa grandeur et là est sa perte.
Oswald SPENGLER, L’homme et le technique (1931), Gallimard, « Les Essais », 1958.pp.66-67
Texte 3
L’outil est la ruse de la Raison par laquelle la nature est tournée contre la nature, si bien que l’homme n’est pas subjugué par l’extériorité inerte. Ces découvertes humaines appartiennent à l’Esprit ; un instrument inventé par l’homme est plus haut qu’une chose de la nature ; car il est une production de l’Esprit.
Ces instruments, qui tout d’abord ont un sens pratique, ont été estimés très haut par les Grecs, le trait est particulièrement sensible chez Homère, chez qui les hommes se réjouissent d’avoir produit des ustensiles de toutes sortes, où des choses qui nous sont devenues tout à fait indifférentes par l’usage sont hautement estimées, et où l’homme se réjouit de ses inventions. Les mœurs sont encore très simples ; les princes préparent eux-mêmes leur manger, et Ulysse construit son propre lit avec un figuier. On y raconte avec beaucoup de détails comment le sceptre d’Agamemnon a été fait ; comment les portes tournent sur leurs gongs ; les armes, les triangles et autres ustensiles sont mentionnés avec plaisir. Et le sentiment se fait jour qu’il s’agit là de création de l’Esprit… Les Grecs ont embelli les débuts de la culture et les ont vénérés comme des dons divins ; ils attribuent l’invention du feu à Prométhée, l’élevage des chevaux à Poséidon, la culture des oliviers et l’invention du tissage, à Pallas. Ainsi, on confère le plus grand honneur à l’invention humaine, en tant qu’elle subjugue les choses naturelles et se les approprie pour l’usage.
HEGEL, Leçons sur la philosophie de l’histoire, in Morceaux choisis, Tome 2, Gallimard, 1939 pp.127
Texte 4
Le travail de quelques-unes des classes les plus respectables de la société, de même que celui des domestiques, ne produit aucune valeur, il ne se fixe ni se réalise sur aucun objet ou chose qui puisse se vendre, qui subsiste après la cessation du travail et qui puisse servir à procurer par la suite une pareille quantité de travail. Le souverain, par exemple, ainsi que tous les autres magistrats civils et militaires qui servent sous lui, toute l’armée, toute la flotte, sont autant de travailleurs non productifs. Ils sont les serviteurs de l’Etat, et ils sont entretenus avec une partie du produit annuel de l’industrie d’autrui. Leur service, tout honorable, tout utile, tout nécessaire qu’il est, ne produit rien avec quoi on puisse ensuite se procurer une pareille quantité de service. La protection, la tranquillité, la défense de la chose publique, qui sont le résultat du travail d’une année, ne peuvent servir à acheter la protection, la tranquillité, la défense qu’il faut pour l’année suivante. Quelques-unes des professions les plus graves et les plus importantes, quelques-unes des plus frivoles, doivent être rangées dans cette même classe : les ecclésiastiques, les gens de loi, les médecins et les gens de lettres de toute espèce, ainsi que les comédiens, les farceurs, les musiciens, les chanteurs, les danseurs d’Opéra, etc. Le travail de la plus vile de ces professions a sa valeur qui se règle sur les mêmes principes que toute autre sorte de travail : et la plus noble et la plus utile ne produit son travail rien avec quoi on puisse ensuite acheter ou faire une pareille quantité de travail. Leur ouvrage à tous, tel que la déclamation de l’acteur, le débit de l’orateur ou les accords du musicien, s’évanouit au moment même qu’il est produit.
Les travailleurs productifs et les non productifs, et ceux qui ne travaillent pas du tout, sont tous également entretenus par le produit annuel de la terre et du travail du pays. Ce produit, quelque grand qu’il puisse être, ne saurait être infini, et a nécessairement ses bornes. Suivant donc que, dans une année, une portion plus ou moins grande de ce produit est employée à entretenir des gens non productifs, plus ou moins grande sera la portion qui restera pour les gens productifs, et plus ou moins grand sera par conséquent le produit de l’année suivante : la totalité du produit annuel, à l’exception des productions spontanées de la terre, étant le fruit du travail productif.
Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Gallimard, 1970, pp.158-159.
Texte 5
Nous n’avons considéré jusqu’ici l’aliénation, la dépossession de l’ouvrier, que sous un seul aspect, celui de son rapport aux produits de son travail. Or, l’aliénation n’apparaît pas seulement dans le résultat, mais aussi dans l’acte de la production, à l’intérieur de l’activité productrice elle-même. Comment l’ouvrier ne serait-il pas étranger au produit de son activité si, dans l’acte même de la production, il ne devenait étranger à lui-même ? En fait, le produit n’est que le résumé de l’activité, de la production. Si le produit du travail est dépossession en acte, dépossession de l’activité, activité qui dépossède. L’aliénation, de la possession, dans l’activité du travail elle-même.
Or, en quoi consiste la dépossession du travail ?
D’abord, dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il ne s’appartient pas, mais ne nie ; qu’il ne s’y sent pas satisfait, mais malheureux ; qu’il n’y déploie pas une libre énergie physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. C’est pourquoi l’ouvrier n’a le sentiment d’être à soi qu’en dehors du travail ; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il n’est pas lui. Son travail n’est pas volontaire, mais contraint. Travail forcé, il n’est pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. La nature aliénée du travail apparaît nettement dans le fait que, dés qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, on fuit le travail comme la peste. Le travail aliéné, le travail dans lequel l’homme se dépossède, est sacrifice de soi, mortification. Enfin, l’ouvrier ressent la nature extérieure du travail par le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas ; que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas lui-même, mais à un autre. Dans la religion, l’activité propre à l’imagination, au cerveau, au cœur humain, opère sur l’individu indépendamment de lui, c’est-à-dire comme une activité étrangère, divine ou diabolique. De même l’activité de l’ouvrier n’est pas son activité propre ; elle appartient à un autre, elle est déperdition de soi-même.
On en vient donc à ce résultat que l’homme (ouvrier) n’a de spontanéité que dans ses fonctions animales : le manger, le boire et la procréation, peut-être encore dans l’habitat, la parure, etc. ; et que, dans ses fonctions humaines, il ne se sent plus qu’animalité : ce qui est animal devient humain, ce qui est humain devient animal. Sans doute, manger, boire, procréer, etc., sont aussi dans l’ensemble des activités humains, érigées en fins dernières et exclusives, ce ne sont plus que des fonctions animales.
Marx, Ebauche d’une critique de l’économie politique.
Texte 6
C’est par la médiation du travail que la conscience vient à soi-même. Dans le moment qui correspond au désir dans la conscience du maître, ce qui paraît échoir à la conscience servante, c’est le côté du rapport inessentiel à la chose, puisque la chose dans ce rapport maintient son indépendance. Le désir s’est réservé à lui-même la pure négation de l’objet, et ainsi le sentiment sans mélange de soi-même.
Mais c’est justement pourquoi cette satisfaction est elle-même uniquement un état disparaissant, car il lui manque le côté objectif ou la subsistance. Le travail, au contraire, est désir réfréné, disparition retardée : le travail forme. Le rapport négatif à l’objet devient forme de cet objet même, il devient quelque chose de permanent, puisque justement, à l’égard du travailleur, l’objet a une indépendance.
Ce moyen négatif, ou l’opération formatrice, est en même temps la singularité ou le pur être-pour-soi de la conscience. Cet être-pour-soi, dans le travail, s’extériorise lui-même et passe dans l’élément de la permanence ; la conscience travaillante en vient ainsi à l’intuition de l’être indépendant, comme intuition de soi–même.
HEGEL, La phénoménologie de l’esprit, Tome I, Aubier, pp.163
Texte 7
Le maître force l’esclave à travailler. Et en travaillant, l’esclave devient le maître de la nature. Or, il n’est devenu l’esclave du maître que par ce que de prime abord-il était esclave de la nature, en se solidarisant avec elle, et en se subordonnant à ses lois par l’acceptation de l’instinct de conservation. En devenant par le travail maître de la nature, l’esclave se libère donc de sa propre nature d’esclave : il le libère du maître. Dans le monde technique transformé par son travail, il règne-ou du moins, régnera un jour-en maître absolu. Et cette maîtrise qui naît du travail, de la transformation progressive du monde donné et de l’homme donné dans ce monde, sera tout autre chose que la maîtrise immédiate du maître du maître. L’avenir et l’histoire appartiennent donc non pas au maître guerrier, qui ou bien meurt ou bien se maintient indéfiniment dans l’identité avec soi-même, mais à l’esclave travailleur. Celui-ci, en transformant le monde donné, il se dépasse donc, en dépassant aussi le maître qui est lié au donnée qu’il laisse-ne travaillant pas-intact.
Alexandre Kojeve, Introduction à la lecture de HEGEL
Texte 8
Le domaine de la liberté commence seulement là où cesse le travail qui est déterminé par la nécessité et la finalité extérieure : d’après sa nature, ce domaine se situe donc au-delà de la sphère de la production à proprement parler matérielle. Comme le sauvage doit lutter avec la nature pour satisfaire ses besoins, pour continuer et produire sa vie, de même l’homme civilisé y est obligé et il l’est dans toutes les formes de la société et dans toutes les manières possibles de la production. A mesure qu’il se développe, ce domaine de la nécessité de la nature s’élargit, parce que les besoins augmentent : mais en même temps croissent les forces productives qui les satisfont. La liberté dans ce domaine ne peut donc consister qu’en ceci : l’homme socialisé, les producteurs associés règlent rationnellement ce métabolisme(Stoffwechsel) entre eux et la nature, le soumettant à leur contrôle commun au lieu d’être dominés par lui par une force aveugle : ils l’accomplissent avec la moindre dépense d’énergie possible et sous les conditions qui sont les plus dignes de leur nature humaine et qui y sont les adéquates. Néanmoins, cela reste toujours un domaine de la nécessité. C’est au-delà que commence ce développement des forces qui est à lui-même son propre but, qui constitue le véritable domaine de la liberté, mais qui ne peut éclore que sur la base de cet empire de la nécessité. La réduction de la journée de travail est la condition fondamentale.
Karl MARX, Le Capital, livre III. Hambourg (1894) éd. F. Engels
Texte 9
En fait l’élément libérateur de l’opprimé, c’est le travail. En ce sens c’est le travail qui est d’abord révolutionnaire. Certes il est commandé et prend d’abord figure d’asservissement du travailleur : il n’est pas vraisemblable que celui-ci, si on le lui eût imposé, eût choisi de faire ce travail dans ces conditions et dans ce laps de temps pour ce salaire. Plus rigoureux que le maître antique, le patron va jusqu’à déterminer à l’avance les gestes et les conduites du travailleur. Il décompose l’acte de l’ouvrier en éléments, lui en ôte certains pour les faire exécuter par d’autres ouvriers, réduit l’activité consciente et synthétique du travailleur à n’être plus qu’une somme de gestes indéfiniment répétés. Ainsi tend-il à ravaler le travailleur à l’état de pure et simple chose en assimilant ses conduites à des propriétés. Madame de Staël en cite, dans la relation du voyage qu’elle fit en Russie au début du XIXe siècle, un exemple frappant : « Sur vingt musiciens (d’un orchestre de serfs russes) chacun fait entendre une seule et même note, toutes les fois qu’elle revient. Ainsi chacun de ces hommes porte le nom de la note qu’il est chargé d’exécuter. On dit en les voyant passer : voilà le sol, le mi ou le ré de M. Narishkine. »Voilà l’individu limité à une propriété constante qui le définit comme le poids atomique ou la température de fusion. Le taylorisme moderne ne fait pas autre chose. L’ouvrier devient l’homme d’une seule opération qu’il répète cent par jour : il n’est plus qu’un objet et il serait enfantin ou odieux de raconter à une piqueuse de bottines ou à l’ouvrière qui pose des aiguilles sur le cadran de vitesse des automobiles Ford qu’elles conservent, au sein de l’action où elles sont engagées, la liberté intérieure de penser. Mais dans le même temps, le travail offre une amorce de libération concrète, même dans ces cas extrêmes, parce qu’il est d’abord négation de l’ordre contingent et capricieux qui est l’ordre du maître. Au travail, l’opprimé n’a plus de souci de plaire au maître. Il échappe au monde de la danse, de la politesse, de la cérémonie, de la psychologie : il n’a pas à deviner ce qui se passe derrière les yeux du chef, il n’est plus à la merci d’une humeur : son travail, certes, lui est imposé à l’origine et on lui en vole finalement le produit. Mais entre ces deux limites, il lui confère la maîtrise sur les choses : le travailleur se saisit comme possibilité de faire varier à l’infini la forme d’un objet matériel en agissant sur lui selon certaines règles universelles. En d’autres termes, c’est le déterminisme de la matière qui lui offre la première image de sa liberté.
Jean-Paul SARTRE, « Matérialisme et révolution », in Situations III, 1949, Gallimard, pp. 197-199
Texte 10
Enfin, adressant la parole à Adam, Il lui dit : Puisque vous avez écouté la voix de votre femme plutôt que m’obéir, la terre sera maudite à cause de vous : vous n’en tirerez de quoi vous nourrir qu’avec beaucoup de peine. Vous mangerez votre pain
à la sueur de votre visage, jusqu’à ce que vous retourniez dans la terre d’où vous avez été tiré : car vous êtes poussière, et vous retournerez en poussière. Ensuite il le chassa du jardin délicieux, de crainte qu’il ne touchât au fruit de l’arbre de vie ; il l’obligea d’aller travailler la terre dont il avait été tiré.
Après l’avoir chassé, il mit des Chérubins à l’entrée du jardin avec une épée foudroyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie. C’est ainsi que le péché est entré dans le monde par un seul homme, et la mort par le péché ; et ainsi, tous les hommes ont été assujettis à la mort, parce que tous ont péché dans un seul.
Abrégé de l’histoire et de la morale de l’Ancien Testament, Jean Desaint, 1729
Texte 11
L’homme est le seul animal qui soit voué au travail. (…) La question de savoir si le ciel ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes choses déjà préparées, de telle sorte que nous n’aurions plus besoin de travailler, cette question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l’homme des occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux de s’imaginer que, si Adam et Eve étaient restés dans le paradis, ils n’eussent fait autre chose que demeurer assis ensemble, chanter des chants pastoraux et contempler la beauté de la nature. L’oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres hommes.
Il faut que l’homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu’il a devant les yeux, il ne se sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit le travail.
Kant, Traité de pédagogie, in Eléments métaphysiques de la doctrine de la vertu, pp.218
Texte 12
Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours sur la « bénédiction du travail », je vois la même arrière-pensée que dans les louanges des actes impersonnels et d’un intérêt général : à savoir la peur de tout ce qui est individuel.
On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail – c’est-à-dire de ce dur labeur du matin au soir – que c’est là la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance.
Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires, il retire cette force à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but mesquin et accorde des satisfactions faciles et régulières.
Ainsi une société où l’on travaille sans cesse durement jouira d’une plus grande sécurité : et c’est la sécurité que l’on adore maintenant comme divinité suprême. – Et puis ! Épouvante ! « Le travail-leur », justement, est devenu dangereux ! Le monde fourmille d’ « individus dangereux » ! Et derrière eux, le danger des dangers – l’individuumm !
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