Sujet :
« Un romancier à qui l’on demandait : Pourquoi il n’écrit pas de la poésie, répond : parce que je déteste parler de moi-même. »
Exercice littéraire : Dissertation, sujet corrigé ( M. Badji)
Dans le cadre d’un développement organisé, vous discuterez : en montrant d’abord que parler de la poésie c’est parlé de soi-même ; ensuite, en expliquant que parler du roman c’est aussi parlé de soi-même ; et enfin, en prouvant que la poésie peut parler aussi des autres.
I- Compréhension
1- La première lecture : lecture compréhension
a-contextualisation
Dans ce sujet, la contextualisation c’est le romancier qui aurait déclaré cette assertion. Mais aucun élément biographique et bibliographique ne renvoie à ce dernier. Il est dans l’anonymat. Ça nous aurait fait un réel plaisir de découvrir réellement les motivations de cette déclaration, dans quelles circonstances il l’a dit ? Pourquoi ? Quand ? Où ? Malheureusement toutes ces questions vont demeurer sans aucune réponse. Donc disons à ce niveau que la contextualisation est facultative d’autant plus qu’elle ne nous aide pas actualiser la pensée de l’auteur.
b- l’opinion
Pour comprendre ce qu’est l’opinion, je vois renvoie dans le fascicule intitulé « Une étude panoramique des exercices littéraires ». Par ailleurs, pour ce qui de notre sujet ci-dessus, nous pouvons dire que l’opinion n’est rien d’autre que ce qu’on met entre guillemets : « Un romancier à qui l’on demandait pourquoi il n’écrivait pas de poésie répondit : parce que je déteste parler de moi-même ». Ces propos du romancier, considérés comme vrais, seront mis sur le plateau de l’analyse pour attester ses tenants et ses aboutissants d’autant plus que l’attitude d’un candidat ou d’une candidate est de vérifier toujours, de manière avertie, toute proposition reçue.
c– La consigne
Pour ce qui est de ce sujet soumis à notre réflexion, la consigne est à l’abri de l’ombre du doute, car la précision et la clarté des propositions scandées par des connecteurs logiques nous édifient clairement sur sa structure. En se besant sur les liens logiques (« d’abord ; ensuite ; et enfin »), on comprend tout de même qu’il y a trois parties à traiter dans ce sujet de réflexion. Donc on comprend que la consigne nous donne des directives, des pistes à suivre. Le schéma ci-dessous est significatif :
D’abord, en montrant que parler de la poésie c’est parlé de soi-même
Ensuite, en expliquant que parler du roman c’est parler de soi-même
Enfin, en prouvant que parler de la poésie c’est parler des autres
NB : Faire ce travail au préalable dans le brouillon vous aidera sans aucun doute de mieux cerner les contours du problème posé par le sujet, mais aussi et surtout il vous aidera de ne pas se verser dans les terrains inconnus et à délier ainsi les noyaux de résistance.
2- Analyse des clés : lecture analyse.
C’est la partie qui consiste à élucider les notions, les concepts, ou les mots essentiels qui composent l’opinion. Sans plus tarder analysons les mots clés.
Romancier : celui qui écrit des romans. Roman : Récit en prose d’aventures imaginaires qui se distingue de la nouvelle, par sa durée prolongée dans le temps ou par le fait que , même un récit court, nous avons une psychologie totale des personnages, du conte , par le fait qu’il donne l’existence aux choses et aux êtres qu’il décrit, sans les considérer comme des inventions merveilleuses ou des symboles philosophiques. En termes plus clairs et précis, le roman est une œuvre d’imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre des personnages donnés comme réels, dont elle raconte leurs histoires, leurs histoires, aventures, psychologies, destins.
Pourquoi : pour quelle raison, quel motif : raison intellectuelle de parler ou d’agir OU pour quel mobile, force irrationnelle qui pousse à parler ou à agir.
Poésie : Elle est l’art de suggérer par des images, des sons, des rythmes, et en général l’emploi du vers, une connaissance des êtres et des choses qui ne saurait être ramenée aux idées claires qu’exprime la prose. La définition de la poésie varie suivant les écoles, mais deux éléments permanents peuvent être distingués : d’abord elle a un langage différent de celui de la prose, ce qui a amené certains écrivains à considérer que la poésie n’exprime pas des idées essentiellement différentes de celles de la prose, mais en modifie l’expression en les rendant, grâce au vers, plus frappantes, plus nobles, plus spirituelles, etc. ; en ce sens, la poésie se limite à la rhétorique et à la versification. Ensuite, elle a une vision du monde qui lui est particulière, traduisible par seulement par un langage poétique et qui donne une connaissance intuitive essentiellement différente de celle de la prose : dès lors la poésie est un instrument de connaissance qui exprime ce qui n’est pas concevable par la raison : la Pléiade la considère comme une « fureur » d’origine divine, les romantiques comme le langage du cœur, Baudelaire comme le moyen de déchiffrer les mystérieuses correspondances de l’Univers. Ce constat de Baudelaire se retrouve chez Senghor qui nous dévoile parfois le mystérieux de son milieu Sérère voire africain. En ce sens la poésie dépasse la versification, si bien qu’on a pu qualifier de poétiques les œuvres qui n’étaient pas en vers.
Parler : faire usage d’une langue, exprimer sa pensée….
Déteste : hait, réprouve, ai en aversion…
Moi-même : je, soi-même, aussi, uniforme, identique, égal, égoïste, narcissique…
Reformulation : Un auteur du roman à qui l’on questionnait pour quelle raison il ne produisait pas des œuvres poétiques donna la réponse : parce que je réprouve d’exprimer ma pensée tout étant égoïste.
OU tout simplement : A la différence du poète qui se veut égal à lui-même, le romancier se dit toujours dégouter d’exprimer sa personnalité dans ses écrits.
Problématique : La question se pose est de savoir si le romancier peut-il se réclamer toujours neutre dans ses écrits ?
OU : A la différence du poète qui se veut subjectif, le romancier peut-il toujours clamer son absence personnelle dans œuvres ?
3- Lecture contrôle/évaluation
Arriver à ce stade de votre lecture sujet, il est plus que nécessaire de chercher le ou les thème(s) général (aux), c’est-à-dire le champ d’application dans lequel le sujet est inscrit (De quoi s’agit-il ? ou De quoi parle-t-on ?). En plus du thème, le candidat ou candidate doit aussi s’interroger sur le prédicat (Que dit-on du thème ?), voir si l’auteur de la citation à structurer des arguments dans le libellé du sujet. Si oui ! Quels sont ces arguments et si non ! Quels sont les arguments que vous proposez ?
Thème : Romancier = Je= Roman et poésie
Prédicat : « … déteste de parler de moi-même »
Dans ce sujet, on n’a pas beaucoup d’arguments qui sont fait illustrés. Il nous reviendra donc, dans le développement, de proposer des arguments en suivant la logique de la consigne.
Plan possible :
1e partie : La poésie lyrique
2e partie : le roman autobiographique
3e partie : la poésie altruiste
II- La rédaction
Cette partie fera l’objet d’une rédaction complète en suivant les grandes lignes de la dissertation littéraire : introduction, développement et conclusion.
1- Proposition d’une introduction
Si la poésie pourrait se définir comme l’art de suggérer par des images, des sons, des rythmes, et en général l’emploi du vers, une connaissance des êtres et des choses qui ne saurait être ramenée aux idées claires qu’exprime la prose. Paradoxalement, le roman peut être perçu comme une œuvre d’imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre des personnages donnés comme réels, dont elle raconte leurs histoires, leurs histoires, aventures, psychologies, destins. Cependant, cette dichotomie fonctionnelle pousse certains romanciers à mépriser l’attitude égoïste de certains poètes. C’est probablement dans cette mouvance qu’un romancier à qui l’on questionnait pour quelle raison il ne produisait pas des œuvres poétiques répondit : parce que je réprouve d’exprimer ma personnalité dans mes écrits. Ainsi, la question qui nous intrigue est de savoir, à la différence du poète qui se veut toujours personnel, si le romancier pourrait-il constamment clamer son absence personnelle dans œuvres romanesques ? Dès lors, pour répondre à cette problématique nous essayerons de montrer, d’abord, le lyrisme de la poésie ; ensuite, nous prouverons que le romancier peut parfois parler de sa personnalité dans l’œuvre ; et enfin, nous traduirons la notion d’altruisme dans la création poétique.
2- Proposition de développement
Connue dans les traditions antiques sous l’impulsion d’Orphée et d’Apollon, la lyre est un instrument de musique qu’utilisait Orphée dans ses chansons pour séduire les dieux et charmer les bêtes sauvages. En effet, à partir du XIXe siècle, l’adjectif lyrique est employé pour caractériser un genre de poésie qui s’exprime de façon passionnée et imagée des sentiments personnels sur les thèmes comme l’amour, la nature ou sur le moi autoritaire du poète.
Premièrement, disons que la poésie est un genre très complexe et très prisé qui exploite les ressources du cœur pour valoriser les sentiments personnels du poète. Ces sentiments sont divers. Ils offrent au poète un matériau crucial qui peut servir de l’humus ou du moins de terreau à des cœurs encore meurtris. Ainsi, avec les poètes romantiques, les sentiments comme l’amour, la tristesse, la douleur, la joie de vivre, le bonheur de communier avec la nature sont consubstantiels à la création poétique. Comme tous les êtres humains, les poètes éprouvent souvent cette douce sensation interne qui fait qu’ils sont toujours enclins aux lois l’amour. Ainsi, qu’elle soit charnelle ou paternelle, la thématique du poète amoureux constitue une matrice de la poésie lyrique. C’est la raison pour laquelle, elle demeure atemporelle et consubstantielle au genre poétique. Une telle prise de position se fait remarquer chez les poètes de la Pléiade surtout avec le poète de l’amour Pierre de Ronsard. D’ailleurs c’est qu’il nous fait sentir dans ses Odes où il exploite le thème de l’amour associé à la fuite du temps que renchérit ainsi ses vers célèbres :
« Donc si vous me croyez, mignonne
Tandis que votre fleuronne
En sa plus verte nouveauté
Cueillez, cueillez votre jeunesse
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté »
Au regard de cette assertion, nous avons eu le sentiment que Ronsard a toujours voulu faire de l’amour un triomphe malgré certaines réticences d’autres poètes qui pensent que l’amour s’accompagnent toujours de tristesse et de souffrance. Perçu comme un thème omniprésent, l’amour connaît plusieurs variations selon les époques ou selon les poètes qui l’éprouvent. Ainsi, vue comme la plus brillante figure du cercle des poètes lyonnais de la Renaissance, Louise Labé n’est pas en reste dans ce bourbier et ce tourment occasionnés par les passions amoureuses qui la rendent parfois triste et mélancolique. Les vers ci-dessus, extraits des Sonnets, témoignent une fois plus une telle conception
Je vis, je meurs : je brule et me noie.
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie :
Tout à coup, je ris et larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure :
Mon bien s’en va, et à jamais il dure :
Tout en un coup je sèche et verdoie.
Ainsi, Amour inconstamment me mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine. »
Ainsi, on peut dire que cet onzain de Labé témoigne de l’hégémonie des sentiments d’amour sur la poétesse d’autant plus qu’elle ne pouvait plus contrôler les flammes de cet amour qui ravage un cœur en lambeaux de tristesse et de joie. Cette autorité incontestable de l’amour se fait sentir grâce à l’emploi des réseaux d’images, des champs lexicaux de la souffrance de la joie, mais aussi grâce à cette figure allégorique de l’amour matérialisée dans ce poème par la lettre « A » dans « Amour » que l’auteure a délibérément choisi de zoomer.
Deuxièmement, il faut aussi dire qu’un poème peut témoigner le sentiment lyrisme grâce à la mise en valeur du pronom personnel « Je ». Ainsi, tout poète qui dis « Je » exprime le plus souvent en son nom propre. Cette forme d’énonciation fait qu’il s’intéresse sans cesse de manière émulative sa personnalité. En prenant sa personnalité comme le centre de toute préoccupation, le poète jette constamment un regard introspectif sur sa propre personne. Il fait du « Moi » personnel la matière même d’écriture comme l’ont bien fait les poètes romantiques. Pour ces derniers, le « Je » est le seul moyen de faire valoir sa propre personnalité sur « le tréteau banal » de la vie. Une telle position n’est pas le propre des poètes romantiques mais on peut dire qu’elle se fait sentir un peu partout dans les courants littéraires. C’est la raison pour laquelle on voit chez les poètes humanistes, en l’occurrence Pierre de Ronsard, une mise en scène de sa propre personnalité. Nous pouvons le constater dans son recueil poétique Sonnets pour Hélène où il se fait personnellement un conseiller d’amour quand il dit que
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle.
En voulant parler de sa propre personne, le poète est parfois vu comme une personne égoïste, narcissique qui ne pense qu’à lui-même. Mais ne restons pas fermer dans cette attitude d’autant que certains poètes utilisent la première personne et par-là ils se mettent en scène. A ce niveau, le lecteur est obligé de suivre sur scène les manifestations de ce moi personnel du poète. C’est la raison pour laquelle Alphonse de Lamartine nous fait découvrir sa propre personne dominée et rongée par une solitude sans fin. Ainsi, se confesse-t-il au lac, témoin de son amour en vers cette femme absente, et il le dit fort intelligemment à travers ces mots tirés de son poème « Le Lac » :
Ô lac ! L’année à peine a fini sa carrière
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde ! Je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir !
Ainsi, il sied de retenir dans cet extrait les souvenirs douloureux d’un « Je » qui souffre réellement sans intermédiaire contrairement à certains poètes qui pensent le « Je » est un autre. Dans ce poème, le « Je » est à la fois sujet et objet de ressentiment. Ici c’est le poète lui-même qui clame sa solitude et sa souffrance auprès de la nature protectrice, consolatrice. Pour mieux témoigner sa présence, le poète nous dévoile un réseau de pronom personnel « Je viens », « m’ » conforme à sa personnalité d’une part et d’autre part il personnalise le lac avec ce pronom de la deuxième personne du singulier « tu ». Donc, nous pouvons dire que le poète demeure la matière de sa propre personne, car son « Je » n’est pas haïssable.
En somme, cette analyse portant sur la notion du lyrisme personnel est d’une importance capitale. Elle nous a non seulement donné l’occasion de découvrir les passions des poètes soldées par la recherche perpétuelle de l’amour et ses variations, mais aussi et surtout de comprendre que le poète, à travers son « Je », devient en même temps sujet et objet de son écriture. Par ailleurs, cette forme de présence de soi sur son écrire n’est pas seulement le propre de la poésie, mais elle se manifeste aussi chez les romanciers surtout dans le roman autobiographique.
Avant d’attaquer vivement cette partie du roman autobiographique, il est important de souligner que l’autobiographie est un genre parmi tant d’autres genres littéraires qui contient des ramifications comme les mémoires, le journal intime, l’autoportrait, le roman autobiographique. Ainsi, en nous intéressant du roman dit autobiographique, on découvrira qu’il peut refléter dans sa trame narrative et fictive les expériences personnelles de la vie du romancier. Ces expériences peuvent se manifester d’une part par le récit de l’enfance et d’autre part par des traits identitaires.
D’abord, remarquons que les récits de l’enfance personnelle des romanciers sont légions dans la littérature. En effet, en se basant sur la définition atypique et propre à l’autobiographie à savoir comme un « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur la vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité », on comprend que le roman autobiographique est foncièrement lié à la vie et à l’enfance du romancier. La plupart des romanciers ont tendance d’inscrire dans leurs œuvres fictives leur tendre enfance ou leurs mauvais souvenirs. Dans ce cas, la thématique de l’enfance devient le miroir ambulant qui témoigne de leur temps passé. C’est la raison pour laquelle, certains romanciers, à beau se dissimiler dans leurs textes respectifs, se font toujours dénicher par les lecteurs qui établissent, à travers leurs biographies, des similitudes entre romanciers, narrateurs et personnages. Ainsi, c’est ce qu’Alfred de Musset ne manque pas de souligner quand il dit, dans La Confession d’un enfant un du siècle, (1836) que « Pour écrire l’histoire de sa vie, il faut d’abord avoir vécu ». Cela veut dire que ceux qui racontent leur vie personnelle dans une œuvre de fiction, ils éprouvent le plus souvent la nostalgie du temps passé, cet âge d’or, ce paradis perdu. Ainsi, pour se rattraper et tuer certains ennuis du cœur, les romanciers font irruption dans leurs récits de manière consciente ou inconsciente. Mais la plupart du temps, ils le font de manière totalement délibérée. C’est la même chose qu’on retrouve dans les Confessions (1782 puis 1789) de Jean-Jacques Rousseau qui peut être présenté comme le précurseur moderne du roman autobiographique. Pour le témoigner, il n’hésite pas d’exhiber sa propre vie surtout son enfance. En témoigne cette affirmation «Je suis né en 1712, à Genève, d’Isac Rousseau citoyen, et de Suzanne Bernard, citoyenne ». Cette volonté manifeste et manifestée de vouloir, coûte que coûte, traduire sa vie surtout son enfance est une preuve que le roman autobiographique se veut réaliste.
Par ailleurs, en dehors de cette écriture sur l’enfance, d’autres critères peuvent témoigner, comme l’identité culturelle, cette marque de volonté des écrivains surtout des romanciers à vouloir marquer leurs empreintes dans leurs récits fictifs en prose. En effet, comme les autres traits distinctifs qui confirment la présence de l’auteur dans son récit, la culture joue aussi un rôle de premier plan. Ainsi, au regard de l’histoire littéraire et l’histoire de la littérature, nous pouvons remarquer que les écrivains demeurent les prometteurs de leur propre culture. Un tel phénomène est fréquent dans la littérature africaine ou antillaise. Ainsi, avant et après les indépendances africaines, beaucoup de romanciers se sont fait remarqués un peu partout sur les tribunes littéraires pour porter leurs voix en vue de promouvoir leurs cultures. C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve pratiquement dans toutes les œuvres d’Ahmadou Kourouma. Ainsi, tout le monde sait que cet auteur a pour langue maternelle le Malinké. Cette même langue se mélange le plus souvent avec le français dans ses romans comme Monné, outrages et défis (1990), ou bien encore dans Les soleils des indépendances (1968). Rien que ces titres, nous pouvons identifier tout de suite un trait de similitude entre le romancier et les titres de ses œuvres : l’usage récurent de la langue Malinké comme premier élément d’identification culturelle. De surcroit, même si Kourouma ne l’avoue pas publiquement comme certains le font, en témoigne cette déclaration de Montaigne « Je suis moi-même la matière de mon livre », il appartient à certains lecteurs, surtout des lecteurs avertis, de dénicher et de comprendre la présence de certains traits distinctifs qui personnalisent le romancier dans ses écrits. Par exemple, un lecteur très attentif ou du moins un critique littéraire avisé comprendra que l’écrivain antillais Patrick Chamoiseau raconte sa vie à la troisième personne du singulier dans son roman autobiographique intitulé Une enfance créole (1990). Donc nous pouvons dire que la culture reste un motif d’identification autobiographique dans le roman d’autant plus qu’elle nous permet de consolider la thèse selon laquelle le romancier imprime souvent sa personnalité dans ses œuvres fictives.
En résumé, cette analyse susmentionnée n’est pas sans intérêt d’autant plus qu’elle apporte une réponse claire sur la problématique du roman autobiographique. Ainsi, si certains pensent que la culture peut faire valoir la présence du romancier dans récits fictifs, d’autres estiment que beaucoup d’écrivain font au saut sur leur enfance perdue. Cependant, toutes ces deux parties traitées ne font pas l’unanimité au sein de l’espace littéraire, car pour certains, surtout les poètes, la poésie ne doit pas être assujettie à des convictions personnelles encore moins à des histoires personnelles. Sa seule vocation est alors traduire la volonté du peuple.
Etant un grand miroir ambulant, le poète ne se limite pas à seule personne, mais il s’ouvre aux autres et cela sur plusieurs manières. Il peut être un porte-parole d’une part et d’autre part, il peut vouloir chercher à nous enseigner.
D’abord, en tant qu’éducateurs, les poètes ont cette ferme volonté d’oublier leurs arts pour instruire leurs populations. En effet, cet acte de bienséance est commun à tous les poètes qui se veulent éveilleurs de conscience. Pour ce faire, ils mettent dans leurs poèmes des leçons accessibles à la société. Leurs poèmes deviennent alors une école de la vie. Une telle pratique est souvent fréquente dans les Fables de Jean de La Fontaine. Ainsi, l’ambition de ce dernier est de nous aider à nous retrouver grâce à la personnification des animaux d’une part et d’autre grâce à la mise en valeur des moralités. Ces enseignements sont d’une importance cruciale d’autant plus qu’ils permettent aux poètes fabulistes de peindre les tares qui gangrènent la société qui l’a vu naître. Cette volonté d’aider la société à se purifier de certaines pratiques indécentes et malpropres conduisent l’auteur des Fables à faire la satire des femmes et des hommes dans sa fable intitulée « Les femmes et le secret » en disant, dès le début, que :
Rien ne pèse tant qu’un secret :
Le porter loin est difficile aux dames ;
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d’hommes qui sont femmes
Cette fable montre qu’il ne faut pas confier à aucune femme ce que nous volons taire.
Ainsi, c’est l’occasion pour le poète de réprimer et de proscrire certaines attitudes féminines. Cette moralité nous enseigne implicitement certaines valeurs cardinales comme l’abstinence, la retenue, la décence, la vertu et surtout la sagesse. Le poète devient un éclaireur, un demiurge, ou un mage qui apporte de la lumière à son peuple. Une telle position trouve sa résonnance dans cette citation de Stanislas de Boufflers qui stipule que « La société a besoin de poètes, comme la nuit a besoin d’étoiles ». Cette assertion renferme une fonction essentielle du poète : éclaireur de sa société. Pour mieux la caractériser, Stanislas utilise des figures de style tels que le parallélisme qui met en parallèle « les poètes » et « les étoiles » et une comparaison qui ne fait que rendre plus claire ce rapport logique. Donc disons que la poésie joue un rôle de premier plan en nous apportant une conscience de notre condition humaine.
En outre, à côté de la poésie didactique, les poètes se donnent pour mission de participer activement à la défense d’une cause et se mettent souvent au service de la collectivité, quels qu’en soient les risques. En effet, lorsqu’un poète s’engage, il peut le faire comme un citoyen, en militant dans un parti ou une association. Par ailleurs, il peut aussi exprimer sa pensée à travers son œuvre, pour éclairer les autres et les inciter à l’action. Ainsi, de nombreux poètes ont pratiqué ce double engagement. Par exemple, Victor Hugo s’oppose au coup d’état du 2 décembre 1851. Ainsi, exilé par Napoléon III, il écrit contre lui une œuvre devenue célèbre Les Châtiments (1851). C’est aussi ce que l’on voit chez Alphonse de Lamartine dans sa vibrante Réponse à Némésis (1831), en proclamant que le poète a le devoir d’oublier son art quand la patrie est menacée. Ces deux vers ci-contre, « Frère, le temps n’est plus où j’écoutais mon âme/ Se plaindre et soupirer comme une faible femme », témoignent une fois de plus l’engagement du poète qui agit pour le bien être de sa communauté.
Bref, nous retenons que les poètes, quelles que soient leurs positions différentes et variées, ont toujours eu un faible pour leurs sociétés qui les ont vus naître. C’est la raison pour laquelle, ils font tout pour leur apporter des leçons de morale purificatoires, mais aussi en leur offrant une vie saine et sauve grâce une ferme volonté d’engagement.
3- Proposition de conclusion
A la lumière de cette analyse relativement longue, nous avons pu comprendre un certains nombres de fonctionnements de la poésie et du roman. Ainsi, si les poètes et les romanciers peignent parfois leurs « Je » personnels, on voit que cela peut être relatif d’autant plus que la plupart des poètes ont bien compris le sens de l’autre. C’est la raison pour laquelle ils se présentent comme des prométhéens qui apportent de la lumière à leur semblable. Toutefois, nous pensons que le roman et la poésie ne peuvent avoir pas les mêmes vocations d’autant plus que le roman se veut toujours objectif ; alors que la poésie reste dans la subjectivité. Cependant, la question qui nous intrigue est de savoir, avec le développement des poèmes en prose, les exigences formelles du roman seront-elles désuètes ?
M. BADJI FRANÇAIS
LYCEE DE DIOUDE DIABE
“”Savoir pour servir”
Proposition de Correction par le Réseau Scolaire
Introduction :
Interrogé sur son choix de ne pas écrire de poésie, le romancier a répondu de manière concise : “Parce que je déteste parler de moi-même.” Cette réponse énigmatique ouvre une fenêtre sur les motivations personnelles des écrivains. Cette dissertation s’attèlera à explorer les raisons sous-jacentes de ce rejet de la poésie, à analyser comment la fiction romanesque devient une alternative d’expression, et à examiner l’équilibre délicat entre l’intimité personnelle de l’auteur et son processus créatif.
Développement
Partie 1 – Le rejet de la poésie
Cette section examinera les motifs qui poussent le romancier à décliner la poésie. S’agit-il d’une préférence formelle ou stylistique ? L’objectif est de dévoiler la relation entre la structure narrative du roman et les choix artistiques personnels de l’auteur.
Partie 2 – “Parce que je déteste parler de moi-même”
En approfondissant la deuxième partie de la réponse, nous nous pencherons sur la manière dont la fiction romanesque devient un moyen d’expression. Comment cette forme narrative offre-t-elle un espace d’émotion sans exposer directement la vie personnelle de l’auteur ? Cette section explorera la délicate frontière entre la création artistique et l’intimité personnelle.
Partie 3 – L’équilibre délicat entre l’auteur et son œuvre
La conclusion du développement se concentrera sur la façon dont certains auteurs cherchent à maintenir un équilibre subtil entre leur propre personne et leurs créations. Certains optent pour une distance émotionnelle, laissant leur œuvre agir comme médiateur avec le public. Comment cette décision influe-t-elle sur la perception de l’auteur et sur la réception de son travail ?
Conclusion :
En conclusion, à travers le dialogue entre le romancier et l’interrogateur, nous avons scruté les choix littéraires personnels de l’auteur. Du refus de la poésie à la préférence pour la fiction, en passant par le désir de préserver l’intimité, chaque nuance révèle une palette riche d’approches artistiques. Cette analyse souligne la diversité de l’expression littéraire et invite à apprécier la complexité de la relation entre l’auteur, son œuvre et le public dans le vaste monde de la création littéraire.