L’INTRODUCTION
Avant tout, une précision : l’introduction est constituée de trois séquences essentielles. En effet, quand on introduit, il faut :
- Amener le sujet.
- Poser le problème.
- Annoncer le plan.
Et si, dans notre brouillon, nous prenions le sens inverse ? En pratique de classe, j’ai expérimenté une nouvelle façon de rédiger l’introduction et que je soumets à votre entendement. Cette manière de procéder, harmonisée avec la façon habituelle, sera (je l’espère) une source d’enrichissement. Donc nous allons, au brouillon :
- Annoncer le plan d’abord.
- Poser le problème ensuite.
- Amener le sujet enfin.
Il en va de soi que, lorsque viendra le moment de mettre toute l’introduction au propre (rédigée proprement dans la copie à rendre au correcteur), on n’y inversera pas les trois séquences.
Voici un sujet :
Stéphane Mallarmé affirme : « ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers ; c’est avec des mots ».
Vous démontrerez qu’être poète, c’est d’abord savoir manier le style avec adresse. Vous justifierez par la suite que, plus sociales, ces idées promettent pourtant une meilleure marche en avant de l’humanité. Vous expliquez enfin que d’autres poètes préfèrent se servir des mots pour soigner leurs maux.
Organisons le T. O. P
THÈME :
- Général : la primauté entre le fond et la forme de la parole poétique.
- Particulier : la poésie est une affaire de style plus que de thématique utilitaire.
ORIENTATION :
- Dialectique : l’aspect esthétique de la poésie est certes essentielle (thèse) mais cela n’exclut en rien l’importance que revêtent ses autres fonctions, engagées et lyriques en particulier (antithèse).
PLAN :
PREMIÈRE PARTIE :
- Fonction esthétique ou ludique.
DEUXIÈME PARTIE :
- Fonction engagée ou didactique.
TROISIÈME PARTIE :
- Fonction lyrique ou sentimentale.
Ce sujet maintenant balisé, voici ci-dessous les trois séquences de l’introduction ; avant de proposer un modèle illustratif de chacune d’elles, nous rappellerons chaque fois les fondamentaux.
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Séquence 3 : ANNONCER LE PLAN.
RÈGLES.
- a) On n’annonce que les grandes parties ; pas les sous-parties.
- b) On n’emploie qu’un type de phrases (déclaratives ou interrogatives).
- c) On n’intervertit pas l’ordre de présentation des parties.
MODÈLE.
- √Modèle de phrases déclaratives :
Nous montrerons d’abord pourquoi des poètes accordent un soin très particulier à leurs vers au point de faire de l’esthétique une fonction à part entière. Nous justifierons ensuite que la parole poétique peut arriver à vaincre le mal d’où qu’il provienne et qui empêche le progrès de l’homme. Nous montrerons enfin comment, employés de façon thérapeutique, ces mots peuvent servir à soigner les maux du poète lui-même.
- √Modèle de phrases interrogatives :
Dans quelle mesure la poésie se définit-elle avant tout par l’esthétique ? Quelle importance un texte poétique engagé revêt-il ? Comment une poésie lyrique arrive-t-elle à apaiser la souffrance de son auteur ?
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Séquence 2 : POSER LE PROBLÈME.
CITATION ET REFORMULATION
RÈGLES.
On a l’habitude de dire ceci :
- a) si le sujet est court, on le cite.
- b) si le sujet est long, on le reformule.
Mais il y a problème…
- Par quel instrument de mesure évalue-t-on la longueur du libellé d’un sujet ? C’est trop aléatoire…
- L’avis sur la primauté de la citation ou de la reformulation ne fait pas l’unanimité parmi les professeurs de français. Les uns imposent la citation, les autres exigent la reformulation, d’autres encore font des deux une obligation.
Que faire ? Quoi choisir ?
Je crois honnêtement que, face à toutes ces trois résolutions qui s’imposent,
- √ La citation ou
- √ La reformulation ou
- √ La citation et la reformulation
Il faut choisir la troisième option : citer et reformuler. Là, on ne mécontente personne (les correcteurs au bac). Chacun y trouve son compte : si l’examinateur exige la citation, s’il tient à la reformulation ou s’il préfère les deux en même temps, tout y est !
√ MODÈLE. (Citation + Reformulation)
C’est dans cette mouvance (un des nombreux termes introducteurs de citation) que Stéphane Mallarmé affirme : « ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers ; c’est avec des mots ». Autrement dit (un parmi plusieurs termes introducteurs de reformulation), la poésie est une affaire de style plus que de thématique utilitaire.
REMARQUE. Ici, il faut juste restituer le thème précis ou particulier découvert et auparavant consigné par écrit dans le travail au brouillon.
LA PROBLÉMATIQUE
Cette problématique pose beaucoup de problèmes, il faut l’avouer… Si des apprenants confondent ses exigences et ne répondent pas aux attentes lorsqu’ils la formulent, c’est peut-être parce que, dans différentes matières enseignées au second cycle (histoire, géographie, philosophie, français) elle est exigée et différente l’une de l’autre. En français, qu’en est-il au juste ?
Dans le travail au brouillon, la première question à se poser pour ne pas faire hors-sujet est la suivante :
De quoi nous invite-t-on à parler dans ce sujet ?
La réponse à cette question doit être précise, c’est-à-dire formulée avec un complément du nom (exemple : la maison du voisin ; DU VOISIN a ici pour fonction grammaticale complément du nom ; il complète le nom MAISON, le rend plus précis). Donc on doit pouvoir faire de la littérature ou d’un genre littéraire (roman, théâtre et poésie) un complément du nom dans la réponse à la question.
Pour ce sujet (Stéphane Mallarmé affirme : « ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers ; c’est avec des mots »), notre réponse à cette question (de quoi nous invite-t-on à parler dans ce sujet ?) peut être la suivante : dans ce sujet, on parle de l’importance à donner au fond ou à la forme de la parole poétique.
À présent, on peut formuler la problématique de ce sujet. Il faut juste en faire une question (interrogation directe ou indirecte) englobante, c’est-à-dire une question dont on verra la réponse disséminée dans toutes les composantes ou parties du développement.
√ Modèle (Problématique)
Faut-il accorder la primauté au fond ou à la forme de la parole poétique ?
Ainsi, nous verrons bien que cette question trouvera sa réponse aussi bien dans la première, dans la deuxième que dans la troisième partie du développement à venir. En un mot, c’est le thème général questionné qui fait naître la problématique d’un sujet de dissertation. Il s’agit d’une seule question ; pas deux ou trois, sous risque de se répéter dans l’annonce du plan ou, pire, de susciter la confusion entre ces deux séquences pourtant bien distinctes.
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Séquence 1 : AMENER LE SUJET.
Voici les deux raisons pour lesquelles, dans mon explication de la technique de rédaction de l’introduction, j’ai pris le sens inverse lors d’un travail au brouillon :
* D’une part, c’est une possibilité très aisée qui consiste à passer du plus simple au plus complexe.
* D’autre part, c’est un procédé qui pousse à bien créer le lien solidaire, le rapport de dépendance, le cordon ombilical en quelque sorte, entre cette première séquence et les deux autres.
Beaucoup d’élèves avouent parfois à leur camarade :
– Boy, je ne savais vraiment pas par quoi démarrer mon introduction…
Pour eux, voici un remède peut-être à la hauteur de leur inquiétude et bien au-dessus de leur stylo méchamment mâchonné. Additionnez mentalement la troisième et la deuxième séquence déjà ébauchées, vous trouverez à dire quelque chose avec qui il entretient un rapport.
RÈGLE :
Justement, il n’y a pas de règle ni d’amorce préfabriqué. Tout l’objectif est là, un prétexte à partir duquel on accroche, on connecte, on enchaîne tout le reste, la citation plus particulièrement. Généralement, des élèves atterrissent sur la deuxième séquence en disant « c’est dans cette mouvance » alors que, justement, ils n’ont pas su créer ”cette mouvance” (fil logique, fil conducteur, fil d’Ariane).
Voici quelques procédés possibles pour réussir à amener un sujet :
A) La définition.
On ne définit pas n’importe quoi. Ce qui importe, c’est le mot autour duquel gravite le thème particulier du sujet. Définissez-le non pas en feuilletant nerveusement votre dictionnaire ou en lorgnant votre IPhone (c’est de la triche !) mais en mobilisant ce que vous savez de ce mot et qui soit en rapport avec le thème à débattre.
- √ Modèle de définition :
Beaucoup oublient que ce sont les vingt-six lettres de l’alphabet français qui permettent de concevoir des mots qui, assemblés avec adresse, forment un discours à l’image de la parole poétique. Si certains auteurs habillent le mot jusqu’à ce qu’il devienne une pensée, d’autres s’adonnent à son toilettage juste pour charmer celui qui le reçoit. [C’est dans cette dynamique de pensée que Stéphane Mallarmé affirme…
B) La polémique.
C’est un débat où les avis sont partagés. Quand les uns disent ceci, d’autres disent cela. Jamais de consensus, pas d’accord, aucune unanimité au vu des attitudes, des idées, des opinions… Ici, il faudrait commencer par l’avis opposé au thème particulier avant d’en arriver à celui émis dans le sujet, mais sans rien expliquer. Cela crée plus de logique de continuité.
- √ Modèle de polémique :
Dès qu’on parle de la véritable fonction de la poésie, très souvent la polémique s’installe tant entre poètes que parmi les lecteurs. De ce fait, les uns pensent que la parole poétique permet à l’écrivain de s’épancher ; d’autres ne voient l’utilité de ce genre littéraire que si son auteur s’acharne contre les maux sociaux ou politiques. D’autres encore restent persuadés que la poésie véritable est celle qui, avant tout et après tout, témoigne du don artistique de son auteur. [C’est dans cette dernière mouvance que s’inscrivent les propos de Stéphane Mallarmé selon qui…
C) Le goutte-à-goutte.
Il n’y a rien de nouveau. C’est juste une façon de créer une certaine ressemblance entre un soleil qui fait son apparition (petit à petit, rayons à rayons, jusqu’à éclairer toute la terre) et une relation qu’on entretient (mot à mot, selon une fine progression logique des énoncés émis), jusqu’à entrer de plain-pied dans le vif du sujet. Ici, on pique la curiosité du lecteur car il ne peut voir le lien de ce dont on parle que s’il poursuit la lecture. C’est pourquoi, au lieu de “amorce”, certains emploient “accroche” cette séquence ô combien importante.
- √ Modèle de goutte-à-goutte :
La mythologie grecque apprend l’existence d’une divinité marine dont le nom est Protée et qu’Homère a mentionné d’ailleurs dans L’Odyssée. Ce vieillard de la mer et gardien des troupeaux de phoques de Poséidon est réputé pour son don de se métamorphoser. Si nous faisons allusion à lui alors que nous parlons du mot, c’est parce que celui-ci semble avoir hérité des mêmes attributs car il est si protéiforme que les poètes ont su lui donner différentes fonctions. Parmi elles, il y en a une [sur laquelle Stéphane Mallarmé a jeté son dévolu lorsqu’il affirme : …]
Voyez, parmi ces trois éléments déclencheurs (relevant de la logique, du constat, de l’inspiration), celui où vous sentez le plus à l’aise face à un sujet donné et choisissez-le pour créer le rapport entre le thème particulier et vos dires.
- POUR RÉCAPITULER.
Je crois que nous venons de réussir un grand coup : terrasser notre adversaire (l’introduction) par la technique bien huilée du ”weur ndomb” (l’inversion, au brouillon, des séquences).
Je reprends ci-dessous l’intégralité de l’introduction, selon l’ordre normal de présentation des trois séquences d’abord travaillées au brouillon :
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La mythologie grecque apprend l’existence d’une divinité marine dont le nom est Protée et qu’Homère a mentionné d’ailleurs dans L’Odyssée. Ce vieillard de la mer et gardien des troupeaux de phoques de Poséidon est réputé pour son don de se métamorphoser. Si nous faisons allusion à lui alors que nous parlons du mot, c’est parce que celui-ci semble avoir hérité des mêmes attributs car il est si protéiforme que les poètes ont su lui donner différentes fonctions. [C’est L’AMORCE]. Parmi elles, il y en a une [sur laquelle Stéphane Mallarmé a jeté son dévolu lorsqu’il affirme : …] : « ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers ; c’est avec des mots » [c’est la CITATION] ; autrement dit, selon cet auteur, la poésie est une affaire de style plus que de thématique utilitaires[C’est la REFORMULATION]. Faut-il donc accorder la primauté au fond ou à la forme de la parole poétique ? [C’est la PROBLÉMATIQUE] Pour répondre à cette question, nous montrerons d’abord pourquoi des poètes accordent un soin très particulier à leurs vers au point de faire de l’esthétique une fonction à part entière. Nous justifierons ensuite que la parole poétique peut arriver à vaincre le mal d’où qu’il provienne et qui empêche le progrès de l’homme. Nous montrerons enfin comment, employés de façon thérapeutique, ces mots peuvent servir à soigner les maux du poète lui-même. [C’est le PLAN]
Issa Laye DIAW – Donneur universel – Professeur de français Lycée d’excellence de Diourbel
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