Commentaire de Texte Corrigé Concours CFJ 2023 – Inspecteurs de l’Éducation Surveillée et de la Protection Sociale

Texte : La violence des jeunes dans l’histoire

Si la jeunesse a souvent alarmé les adultes, ce ne sont jamais tous les jeunes qui ont fomenté les plus vives inquiétudes, mais une petite partie d’entre eux. Ainsi, dans les pays européens au cours du XIXᵉ siècle, c’est l’« enfant des rues » ou l’enfant des classes populaires urbaines – et bien évidemment l’enfant délinquant – qui seront principalement visés. Et le formidable mouvement de protection de la jeunesse et de l’enfance qui s’érigera peu à peu cernera tout autant ce qui peut les menacer (l’enfance en danger) que ce qui peut les rendre menaçants (l’enfance dangereuse). Les appels à protéger la jeunesse sont indissociables des appels à éduquer les jeunes, mais aussi à les contrôler et parfois à les punir. Ce constant balancement entre l’enfant vulnérable qu’il faut accompagner et l’enfant malfaisant qu’il faut corriger perle encore de nos jours.

Périodiquement dans l’histoire, des figures de la jeunesse dangereuse font la  une des organes d’opinion et sont élevées au rang d’une question grave qui doit appeler des réponses rapides et fermes, sinon définitives. En France, dans les premières années du XXᵉ siècle, ce furent les Apaches, ces jeunes voyous de la capitale ou des périphéries dont les faits furent largement repris et amplifiés dans une presse populaire en plein essor, appelés tels en relation aux « sauvages » d’outre-Atlantique dans l’imaginaire européen et qui en vinrent bientôt.

Véronique le Goaziou, La violence des jeunes (édition 2016)

Consigne :

Faites de ce texte un commentaire composé. Vous dégagerez deux centres d’intérêt au moins.

Introduction
Le texte de Véronique le Goaziou interroge la représentation historique de la violence juvénile, en mettant en lumière une dualité persistante dans l’imaginaire collectif : d’une part, l’enfant vulnérable à protéger, et d’autre part, le jeune perçu comme potentiellement dangereux nécessitant contrôle et sanction. L’auteure dénonce la tendance à concentrer les inquiétudes sur une minorité de jeunes issus des classes populaires urbaines, dont les comportements sont exagérés et instrumentalisés par les médias et les institutions. Cette réflexion ouvre plusieurs pistes d’analyse, dont nous développerons trois axes principaux :

• La dualité intrinsèque de la jeunesse entre vulnérabilité et dangerosité,
• L’instrumentalisation médiatique et institutionnelle des comportements déviants,
• Les implications politiques et sociales d’une telle construction de l’image de la jeunesse.

I. La dualité intrinsèque de la jeunesse : entre vulnérabilité et dangerosité
Le texte insiste sur le fait que la violence juvénile ne se caractérise pas par une homogénéité, mais par la présence d’une minorité, souvent marginalisée, qui alimente la peur sociale. Cette dualité se traduit par la coexistence d’un discours protecteur, qui appelle à l’accompagnement de l’enfant vulnérable, et d’un discours répressif visant à contenir ce qui est perçu comme une menace. Ce double regard permet de comprendre comment la société se confronte à la délinquance juvénile sans pour autant remettre en cause l’ensemble de la jeunesse, privilégiant ainsi des politiques de contrôle ciblé qui renforcent les clivages sociaux et alimentent la stigmatisation.

II. L’instrumentalisation médiatique et institutionnelle
Un second axe majeur de réflexion concerne le rôle déterminant des médias et des institutions dans la construction de l’image du jeune délinquant. Dès le XIXᵉ siècle, les récits relatifs à « l’enfant des rues » ou à l’enfant issu des classes populaires se voient amplifiés par une presse sensationnaliste, dont l’exemple des Apaches au début du XXᵉ siècle illustre parfaitement ce phénomène. Les médias, en diffusant des images alarmistes, participent à la fabrication d’un récit qui justifie des mesures de répression et de contrôle social. Par ailleurs, les politiques publiques de protection de l’enfance se trouvent ainsi embourbées dans une logique duale : elles se doivent d’assurer à la fois la sécurité des jeunes vulnérables et la régulation des comportements jugés déviants, souvent en ciblant des populations déjà fragilisées par des contextes socio-économiques difficiles.

III. Implications politiques et sociales d’une stigmatisation historique
L’analyse du texte nous conduit également à interroger les conséquences politiques et sociales de cette construction duale. En catégorisant certains jeunes comme « dangereux », la société justifie l’instauration de mesures de surveillance et de sanctions qui risquent de renforcer des inégalités déjà existantes. Cette logique stigmatisante trouve écho dans des pratiques actuelles où les discours sécuritaires continuent de cibler des minorités, légitimant ainsi des politiques de contrôle renforcé. La tension entre protection et répression pose la question de l’efficacité de telles mesures sur le long terme et invite à repenser les approches éducatives et sociales afin de privilégier l’inclusion plutôt que la marginalisation. Par ailleurs, cette lecture historique souligne combien les mécanismes de contrôle social sont intimement liés à des enjeux de pouvoir, où l’image de la jeunesse dangereuse est mobilisée pour asseoir une autorité politique et sociale qui s’appuie sur la peur.

Conclusion
En conclusion, le texte de Véronique le Goaziou offre une analyse éclairante sur la manière dont l’histoire a façonné une vision ambivalente de la jeunesse. La coexistence de la vulnérabilité et de la dangerosité dans le discours sur l’enfant délinquant, conjuguée à l’instrumentalisation par les médias et les institutions, révèle des enjeux politiques et sociaux qui demeurent d’actualité. Ce commentaire nous invite ainsi à repenser la manière d’envisager la jeunesse, en dépassant les clichés et en privilégiant une approche qui allie protection, accompagnement et inclusion plutôt que répression.