Tout d’abord, je propose ce texte à commenter ci-dessous accompagné de sa consigne, autour duquel j’articulerai l’essentiel de l’explication de la technique de rédaction de l’introduction.
Texte :
À Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui, ce matin, avait déclose¹
Sa robe de pourpre² au soleil,
A point perdu cette vesprée³
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Las¹ ! Voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las , las, ses beautés laissé choir² !
Ô vraiment marâtre³ Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir.
Donc, si vous me croyez, mignonne¹,
Tandis que votre âge fleuronne²
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse³ :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Pierre de RONSARD, Odes, I, 17, 1550.
Vocabulaire :
1ère strophe
1 : étalé ses feuilles, ses pétales.
2 : d’un rouge foncé.
3 : soir.
2ème strophe
1 : hélas !
2 : tomber.
3 : méchante.
3ème strophe
1 : belle, charmante, délicate.
2 : fleurit, s’épanouit.
3 : profitez de votre jeune âge.
Consigne.
Vous ferez de ce poème un commentaire suivi ou composé.
Dans le cadre du commentaire suivi, vous pourriez montrer, à travers la progression chronologique et grâce aux figures de style, aux champs lexicaux, aux temps verbaux,… que ce poème est une célébration didactique, voire pétrarquiste de l’amour.
Si vous choisissez le commentaire composé, vous pourrez montrer par exemple, en vous appuyant sur les mêmes procédés, sur la métaphore filée rondement menée, et sur les enjeux de l’intertextualité, comment le poète allie sentiment d’amour et leçon de morale.
Levons dès le début l’équivoque, c’est-à-dire ce qui n’est pas et ce qui est un commentaire de texte littéraire :
√ le commentaire n’est pas un résumé de texte même si, pour ces exercices littéraires, on prend appui sur un texte.
√ le commentaire de texte n’est pas une dissertation même si ces deux exercices littéraires soumettent le candidat à la production d’une introduction, d’un développement et d’une conclusion.
Qu’est-ce que donc le commentaire de texte littéraire, proprement dit ?
Il s’agit d’une production écrite basée sur un texte dont il faut montrer l’aspect artistique, le tout organisé autour d’une introduction, d’un développement et d’une conclusion. Plus concrètement, le candidat doit savoir harmoniser l’étude du fond et de la forme, de la matière et de la manière ou encore, en traduction wolof, ”limou wakh ak nimouko wakhè”. Mdr !
L’INTRODUCTION PROPREMENT DITE…
Elle est composée de trois séquences : la situation, l’idée générale et le plan.
I. LA SITUATION.
Une situation est composée de deux éléments fondamentaux : l’information qui éclaire le texte et les références textuelles (ou paratexte). Ces dernières qui encadrent le texte sont réunies dans une ou deux phrases où seront mentionnés :
– le nom de l’auteur,
– le titre de l’œuvre d’où le texte est extrait,
– la date de publication,
– d’autres informations supplémentaires ou facultatives telles que le titre (s’il s’agit d’un poème titré), le chapitre (s’il s’agit d’un roman), la maison d’édition (qui précise si l’oeuvre a été rééditée ou pas), l’acte, le tableau ou la scène (s’il s’agit d’une pièce de théâtre)…
MODÈLE DE PARATEXTE :
Ce texte de Pierre de Ronsard intitulé « À Cassandre » est extrait de Odes, un recueil de poèmes publié en 1550.
Il existe trois sortes de situation.
1. Situation interne.
C’est toute information issue de l’œuvre en question. Plus précisément, il faut résumer les passages qui précèdent le texte à commenter, histoire de mieux s’imprégner de l’extrait. En réalité, sauf pour des recueils à la composition extrêmement bien cousue, où l’ordre d’apparition ou de succession des poèmes épouse une trajectoire spatio-temporelle savamment architecturée, ce type de situation est plus recommandé pour des textes théâtraux ou prosaïques, dont l’intrigue est plus linéaire, plus chronologique. Nonobstant, on peut par exemple en faire usage face à des textes à commenter comme ceux des Contemplations de Victor Hugo où tout se tient, du livre I au livre VI. Ce type de situation n’est pas donné à tout le monde car il faut être investi de connaissances approfondies sur l’œuvre pour oser en parler aussi assurément.
MODÈLE DE SITUATION INTERNE :
Ce recueil est constitué de deux livres. Le premier rend un vibrant hommage à Pindare. Par l’imitation de ce poète qui célébrait dans ses odes les athlètes grecs, Ronsard lui emprunte l’usage des beaux mythes et des qualificatifs éloquents pour célébrer les protecteurs de son temps. Il y chante également la joie pétrarquiste d’aimer et la vision du temps qui passe, influencé qu’il était par Horace et Michel Marulle.
2. Situation externe.
C’est toute information puisée hors de l’oeuvre mais qui entretient avec elle un étroit rapport de solidarité pour contextualiser le texte à commenter. Cette information (AU CHOIX) peut être issue :
– de la vie de l’auteur (biographie) :
EXEMPLE.
Dans la vie et à des moments différents, Pierre de Ronsard s’est épris d’une femme nommée Cassandre de Salviati rencontrée à Blois lors d’un bal. Elle lui inspirera de vibrants poèmes voués à l’éternité où il célèbre sa beauté qu’il fixe dans l’éternité et à juste raison, dans un élan d’amour et poétique réciproque.
– de l’œuvre littéraire (bibliographie) :
EXEMPLE.
Chacune des femmes que Ronsard a aimées lui a inspiré un recueil de poèmes : Marie (Les Amours), Hélène (Sonnets pour Hélène) et Cassandre ; c’est cette dernière qui lui inspirera les Odes, recueil dans lequel cette femme figure en bonne place.
– du contexte (espace et temps) :
EXEMPLE.
Au XVIème siècle, un mécène et roi de France, François 1er en l’occurrence, encourageait tous les artistes à aller puiser l’inspiration jusque dans le tréfonds des pays limitrophes et de la civilisation gréco-latine enfouie tout en s’adonnant par la même occasion à une véritable “Défense et illustration de la langue française”. C’est en vertu de cette voie suivie par les écrivains de la Renaissance en général, de la pléiade en particulier, que l’histoire a été revitalisée, les auteurs anciens pris pour modèles, des formes textuelles inaugurées ou renouvelées comme le rondeau, le madrigal, le pantoum, le sonnet, l’ode… C’est cette dernière forme poétique que Ronsard, prince des poètes et poète des princes, choisit pour célébrer l’amour dans toute son entendue.
– du mouvement (courant littéraire) :
EXEMPLE.
La Renaissance reste résolument l’époque faste pendant laquelle l’artiste pousse l’admirateur de son œuvre à soulever un coin du voile de sa création afin d’y découvrir une foi en l’humanité, une leçon de morale à en tirer. Cet humanisme et ce confort didactique se sont longtemps tenu la main comme le métaphorise Ronsard dans ce poème. Par ailleurs, il justifie par la même occasion que le lyrisme n’est pas l’apanage des romantiques du XIXème siècle.
– de la thématique (thème ou sujet d’inspiration) :
EXEMPLE.
La création poétique ne s’est jamais départie du thème de l’amour ; celui-ci a été revisité dans tous ses compartiments mais “memento mori” (rappelle-toi que tu es mortel) et “carpe diem” (cueille le jour) restent quelques-uns des plus vibrants car rappelant à l’homme que, sur terre, il est de passage et qu’il doit profiter sainement de l’instant présent. C’est bien ce à quoi s’emploie souvent Ronsard dans ses poèmes.
– etc.
3. Situation combinée.
Comme son nom l’indique, il s’agit de la combinaison des deux situations (interne et externe). Dans ce cas, il est préférable, par souci de logique, de commencer par la situation externe et de terminer par la situation interne, c’est-à-dire du général au particulier. Quoi qu’il en soit, chacune d’elles remplit deux fonctions : elle procède à une contextualisation. Mieux, la situation apporte un éclairage sur l’idée de départ qu’on doit se faire du texte à commenter.
Par exemple, on n’admet pas que le candidat à qui on soumet à la réflexion un poème de Victor Hugo (comme celui qui commence par ”Demain, dès l’aube…”) parle de tout ce qu’il sait du poète (même de sa période d’exil, sans oublier la mention de Juliette Drouet, sa maîtresse ou encore de Napoléon Bonaparte).
Situation ”tigadégué”. Khakkhataay !
En un mot, tant que l’information n’a pas de francs rapports avec le texte, ne l’évoquons pas !
Nota bene : à mon avis, mieux vaut présenter le texte avant le paratexte ; cet ordre d’apparition permet de mieux relier la première séquence (la situation) à la suivante (l’idée générale).
II. L’IDÉE GÉNÉRALE.
On la formule généralement en répondant à la question suivante : « de quoi est-il question dans cet extrait ? » Malheureusement, nombreux sont ceux qui ont du mal, avec cette simple question, à cerner entièrement le texte.
À ceux-ci je préconise cette astuce :
Posons-nous les questions inspirées des nombreux adjectifs et adverbes interrogatifs dont regorge la langue française :
– Qui ?
– Quoi ?
– Où ?
– Quand ?
– Pourquoi ?
Voilà autant de questions que l’on pourrait se poser. La somme de la réponse à toutes ces interrogations fait finalement obtenir par exemple une phrase relativement comparable à celle-ci :
MODÈLE D’IDÉE GÉNÉRALE :
Dans ce poème, c’est le soir et le poète invite la femme aimée à retourner contempler la splendide fleur qu’ils avaient croisée lors de leur promenade matinale et qui lui ressemblait tant ; le constat est amer : la fleur a fané. L’homme demande donc à la femme de croquer la vie à belles dents avant qu’il ne soit trop tard.
Je connais certains qui pensent qu’à ce stade de rédaction, il faut formuler une PROBLÉMATIQUE, c’est-à-dire ce qui caractérise l’importance du texte à commenter ; je le leur concède à juste raison même si j’avoue mes craintes d’une répétition d’idée dans la situation choisie ou lors de la formulation de l’opinion personnelle dans la conclusion.
Une « PROBLÉMATIQUE », qu’est-ce que c’est exactement ?
Elle sert à exprimer l’intérêt d’un texte littéraire. Elle s’exprime sous la forme d’une question mettant ainsi en exergue le talent de l’auteur et l’originalité de l’extrait. Autrement dit, le texte n’a pas été choisi au hasard. Pourquoi votre professeur vous l’a-t-il donné en commentaire ? Pourquoi ce texte-là et pas un autre ? Qu’a-t-il de particulier ?
Un auteur étudié a forcément une façon originale de traiter son sujet et c’est justement pour cela qu’on l’étudie. En un mot, la PROBLÉMATIQUE dit pourquoi ce texte est intéressant à étudier.
Bref, jusque-là, il n’y a aucune différence entre le commentaire suivi et le commentaire composé. C’est à partir de la troisième séquence de l’introduction (le plan) que la différence d’approche du texte se fait sentir.
III. LE PLAN.
A. Plan d’un commentaire suivi.
Le commentaire suivi adopte une analyse linéaire, d’une idée à l’autre (ligne après ligne, énoncé après énoncé, paragraphe après paragraphe, successivement). Trois informations essentielles doivent apparaître dans la formulation du plan d’un commentaire suivi.
1. Le nombre de mouvements.
Rien ne vaut vraiment la peine de morceler exagérément le texte ; en le saucissonnant de la sorte, on risque d’avoir trop de parties dans le développement. En toute modestie, deux ou trois articulations suffisent largement. Il faudra en mentionner le nombre dans le plan.
2. La délimitation des mouvements.
Il faut établir les limites de chaque mouvement :
√ Jusqu’où le premier s’arrête-t-il ?
√ À partir d’où faut-il stopper le suivant ?
√ Où le dernier commence-t-il ?
Il est préférable, pour un texte versifié comme prosaïque, de citer le lexique qui correspondent aux délimitations, et non des mots, des lignes ou des vers numérotés. C’est parce que, lors des examens de passage, le correcteur se retrouve face à de nombreuses copies et il lui sera bien fastidieux de faire un va-et-vient entre celles-ci et le texte à commenter. En outre, pour ceux qui ont du mal à délimiter les mouvements d’un texte littéraire, je leur propose de porter une attention particulière sur ces indicateurs qui suscitent des “changements de vitesse” dans le texte : d’un type de discours (direct) à l’autre (indirect), d’un point de vue (focalisation externe) à l’autre (interne ou zéro), d’un type de texte (argumentatif) à l’autre (descriptif, narratif, injonctif…), d’un personnage (présent, actif…) au suivant (absent, inactif…), d’un milieu ou d’un temps (présent ou passé) à l’autre (éloigné, futur), etc.
3. Le titrage des mouvements.
Il faut aussi, à chaque mouvement, proposer des titres pertinents qui résonnent comme des idées générales. Ce sont des titres conçus selon l’une de ces structures syntaxiques :
– article + nom + adjectif qualificatif ;
– nom + complément du nom ;
– article + nom + complément circonstanciel ; …)
Pas sous forme de phrases comme dans un commentaire composé (sujet + verbe conjugué ou bien proposition principale + proposition subordonnée).
® Ces trois informations essentielles doivent être solidaires, c’est-à-dire à ne pas séquencer. Tout sera structuré autour de phrases comme les suivantes :
MODÈLE DE PLAN (d’un commentaire suivi) :
Ce poème est subdivisible en trois mouvements. Le premier allant du début à «… vôtre pareil » peut s’intituler L’INVITATION. Le deuxième se poursuivant de « Las ! Voyez…» jusqu’à «… du matin au soir » portera comme titre LES OBSERVATIONS. Quant au dernier, lui qui va de « donc, si vous me croyez… » à la fin, il sera titré LES ENSEIGNEMENTS.
Dans la perspective d’un commentaire suivi de ce texte, nous comptons l’articuler autour de trois mouvements ; l’un concerne la première strophe : c’est L’INVITATION ; le suivant intéresse la suivante : LES OBSERVATIONS ; le dernier se focalisera sur la troisième : ce sont LES ENSEIGNEMENTS.
B. Plan d’un commentaire composé.
Généralement, dans la consigne, on propose au candidat (à l’élève du second cycle) des axes de lecture, des centres d’intérêt ou bien on laisse au candidat (à l’étudiant de Lettres) l’opportunité de choisir lui-même ses centres d’intérêt ou axes de lecture.
Qu’est-ce que « faire un plan » ?
« Faire un plan » équivaut à trouver des sous-parties à chaque partie selon la thématique.
Prenons une comparaison toute simple. Vous entrez dans une maison et vous y découvrez des membres d’une famille nombreuse. Jusque là, il n’y a pas de classement. On décide alors d’en faire. On peut avoir ainsi le classement suivant : d’un côté les parents et, de l’autre, les enfants.
Ces 2 groupes sont l’équivalent de 2 parties (I et II).
À l’intérieur de chaque groupe, je peux faire un autre classement : selon l’âge et la taille. Ce sont des sous-parties (1/ 2/).
Dans un commentaire, elles vont du plus simple au plus complexe. De la même façon, plusieurs plans très différents sont envisageables pour un commentaire. L’important est de structurer la pensée. Et pour cela, il n’y rien de mieux que de détailler sa pensée, d’être le plus précis possible, le plus nuancé, pour faire d’une idée générale plusieurs petites idées secondaires.
Pour ce texte, voici mon plan au brouillon :
I. L’expression du sentiment d’amour
1. La promenade
2. Les compliments
II. La signification de la leçon de morale
1. La fuite du temps
2. La déduction progressive
En voici maintenant la formulation :
MODÈLE DE PLAN (d’un commentaire composé)
Dans un commentaire composé, et en prenant appui sur cette métaphore filée, ainsi que sur les enjeux de l’intertextualité, nous montrerons comment le poète allie sentiment d’amour et leçon de morale.
N. B. : pas besoin de citer les sous-parties ! Elles apparaîtront au fur et à mesure que se déroule le développement.
Bonne digestion !
Issa Laye Diaw,
Donneur universel.
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