I. GÉNÉRALITÉS
1-1 Rappel physiologique
L’élimination des déchets toxiques de l’organisme est cruciale pour le maintien de l’homéostasie. Les reins sont des organes majeurs dans ce processus, car ils régulent diverses fonctions physiologiques essentielles, telles que :
- Élimination des déchets : Les reins filtrent le sang pour retirer les déchets métaboliques, notamment l’urée, l’acide urique, et d’autres substances toxiques. Cette fonction d’excrétion est vitale pour éviter l’accumulation de produits néfastes dans l’organisme.
- Équilibre acido-basique : Les reins régulent le pH sanguin en contrôlant la concentration d’ions H⁺ et de bicarbonates (HCO₃⁻). Ils excrètent ou réabsorbent ces ions pour maintenir un pH sanguin normal (environ 7,4), crucial pour les fonctions enzymatiques et métaboliques.
- Régulation des électrolytes : Les reins ajustent les niveaux de sodium, potassium, calcium, et d’autres électrolytes, ce qui est fondamental pour le fonctionnement musculaire, nerveux, et la régulation de la pression sanguine.
La formation de l’urine s’effectue au sein des néphrons, qui sont les unités fonctionnelles du rein. Chaque néphron se compose d’un glomérule et de tubules urinifères. Ce processus de formation urinaire se décompose en trois phases principales :
1-1-1 Filtration glomérulaire
Le glomérule est une structure en réseau de capillaires où le sang est filtré sous pression. Cette filtration permet le passage des petites molécules telles que l’eau, les électrolytes, et le glucose, tout en retenant les grosses molécules, comme les protéines et les cellules sanguines. Le filtrat obtenu, riche en solutés, est appelé l’urine primitive.
1-1-2 Réabsorption tubulaire
Après la filtration, le filtrat traverse les tubules rénaux, où se produit la réabsorption. Ce processus est essentiel pour récupérer les substances nécessaires à l’organisme. Par exemple, environ 99 % de l’eau et presque toute la glucose sont réabsorbés. En cas de dysfonctionnement rénal, comme dans le diabète sucré, la capacité de réabsorption peut être altérée, ce qui entraîne l’apparition de glucose dans les urines (glycosurie) lorsque la glycémie dépasse 1,6 g/L.
1-1-3 Sécrétion tubulaire
La sécrétion est un processus complémentaire à la réabsorption, au cours duquel les tubules urinifères libèrent des ions H⁺, ammoniac, et certaines substances médicamenteuses dans le filtrat. Cela permet de réguler le pH et d’éliminer des substances toxiques qui n’ont pas été filtrées.
1-2 Définitions
- Urine : Liquide de rejet organique produit par les reins, caractérisé par une couleur jaune ambre, une consistance liquide et une légère saveur salée. Elle contient des déchets toxiques et est transportée à la vessie par les uretères, où elle est stockée avant d’être évacuée lors de la miction.
- Miction : Action d’uriner, processus par lequel l’urine est expulsée de la vessie.
- Diurèse : Quantité d’urine produite par l’organisme sur une période donnée, généralement mesurée sur 24 heures. Elle est un indicateur clé de la fonction rénale.
1-3 Caractéristiques de l’urine normale
1-3-1 Composition
L’urine normale est une solution aqueuse qui contient divers solutés. La composition moyenne d’un litre d’urine est la suivante :
- Eau : 950 g
- Urée : 15 à 25 g (produit de dégradation des protéines)
- Acide urique : 0,30 à 0,40 g (produit de dégradation des purines)
- Chlorures : 2 à 7 g (indiquent l’apport en sodium)
- Phosphates : 1,5 à 2 g (régulent le métabolisme osseux et acido-basique)
- Ammoniac : environ 0,5 g (produit de dégradation des acides aminés)
Cette composition peut fluctuer en fonction de l’alimentation, des niveaux d’hydratation, de l’état métabolique et de la santé rénale. Par exemple, une hydratation insuffisante entraîne une urine plus concentrée et plus foncée.
1-3-2 Odeur
L’urine normale a une odeur légère et safranée. Des modifications de l’odeur peuvent survenir en raison de l’alimentation (par exemple, l’asperge) ou de certaines pathologies (infections urinaires).
1-3-3 Réaction
Le pH de l’urine est généralement acide, oscillant entre 4,5 et 7. Un pH anormalement alcalin ou acide peut indiquer des troubles métaboliques ou des infections urinaires.
1-3-4 Couleur
La couleur de l’urine normale varie du jaune clair à l’ambre, en fonction de la concentration et du volume d’urine. Cette couleur est due à l’urochrome, un pigment résultant de la dégradation de l’hémoglobine. Une urine diluée est claire, tandis qu’une urine concentrée est plus foncée. Les changements de couleur peuvent être influencés par des médicaments (par exemple, le bleu de méthylène, l’antipyrine) et des aliments (par exemple, la betterave, qui peut donner une couleur rouge).
II. ANOMALIES LIÉES À LA MICTION ET À L’URINE
Les anomalies urinaires peuvent être évaluées par des modifications quantitatives, qualitatives, ainsi que par des variations de fréquence et de réaction.
2-1 Modifications quantitatives
La diurèse normale se situe entre 1,2 L et 1,5 L par jour. Les modifications quantitatives peuvent inclure :
2-1-1 Polyurie
La polyurie est définie par une augmentation de la diurèse supérieure à 2 litres par jour, pouvant atteindre 6 à 8 litres, voire plus dans les cas de diabète insipide. Elle est fréquemment associée à des conditions telles que :
- Diabète sucré : en raison de l’excès de glucose dans le sang, entraînant une osmose accrue et donc une augmentation du volume urinaire.
- Néphrites chroniques : qui peuvent perturber la capacité de concentration des reins.
- Traitement par diurétiques : médicaments qui favorisent l’élimination d’eau et d’électrolytes.
2-1-2 Oligurie
L’oligurie est caractérisée par une diminution du volume urinaire, généralement inférieure à 1 litre par jour (entre 100 et 600 mL). Elle peut être le signe de plusieurs pathologies, notamment :
- Insuffisances cardiaques : le cœur ne parvient pas à pomper efficacement, entraînant une réduction du flux sanguin rénal.
- Déshydratation : perte excessive de fluides corporels, conduisant à une réduction de la production d’urine.
- Vomissements et diarrhées : entraînent une perte de liquides et d’électrolytes, impactant la diurèse.
2-1-3 Anurie
L’anurie est définie comme l’absence totale de sécrétion urinaire (moins de 100 mL par jour), ce qui représente une urgence médicale. Elle diffère de la rétention urinaire, où la vessie contient de l’urine, mais le patient a des difficultés à uriner. Les causes peuvent inclure :
- Intoxications médicamenteuses : certains médicaments peuvent endommager les reins.
- Accidents transfusionnels : peuvent provoquer des lésions rénales aiguës.
- États de choc : réduction du débit sanguin vers les reins, entraînant une insuffisance rénale aiguë.
2-2 Modifications de la fréquence
2-2-1 Pollakiurie
La pollakiurie se manifeste par une augmentation de la fréquence des mictions, avec des volumes faibles à chaque fois. Les causes incluent :
- Cystites : inflammation de la vessie, provoquant des mictions fréquentes et douloureuses.
- Adénome de la prostate : élargissement de la prostate qui comprime l’urètre et provoque des difficultés à uriner.
2-2-2 Dysurie
La dysurie est caractérisée par des difficultés ou des douleurs lors de la miction. Les causes possibles incluent :
- Infections urinaires : qui provoquent une irritation de la muqueuse vésicale.
- Gonococcie : infection sexuellement transmissible qui peut affecter l’appareil urinaire.
2-2-3 Énurésie
L’énurésie fait référence à l’incontinence urinaire, avec des émissions involontaires pendant le sommeil. Les causes peuvent inclure :
- Diabète juvénile : chez les enfants, une augmentation de la production d’urine pendant la nuit.
- Accouchement : des lésions des nerfs pelviens peuvent survenir, entraînant des problèmes de contrôle urinaire.
- Crises d’épilepsie : peuvent provoquer des pertes de contrôle pendant les épisodes tonico-cloniques.
2-2-4 Rétention d’urine
La rétention d’urine est l’incapacité d’évacuer l’urine contenue dans la vessie. Les causes incluent :
- Compression de l’urètre : par une hypertrophie bénigne de la prostate ou une tumeur.
- Dysfonctionnement de la vessie : pouvant être dû à des lésions neurologiques.
2-2-5 Anisurie
L’anisurie est caractérisée par des variations significatives de la diurèse d’un jour à l’autre. Elle peut être observée dans des affections hépatiques ou rénales chroniques.
2-2-6 Incontinence
L’incontinence est l’incapacité à contrôler l’émission d’urine ou de matières fécales, pouvant être due à des troubles neurologiques, des interventions chirurgicales ou des troubles musculaires.
2-3 Modifications qualitatives
2-3-1 Compositions anormales
L’urine normale doit être limpide. Des éléments anormaux peuvent y être présents :
- Pus : indiquant une pyurie, souvent associée à des infections urinaires (cystites).
- Sucre : la glycosurie, présente dans le diabète sucré.
- Sang : l’hématurie, signalant des lésions des voies urinaires ou des infections.
- Albumine : la présence d’albuminurie peut indiquer une atteinte rénale, comme dans les néphrites.
- Acétone : l’acétonurie se manifeste lors de comas diabétiques ou de jeûnes prolongés.
- Sels et pigments biliaires : présents dans les maladies hépatiques, indiquant une altération de la fonction hépatique.
2-3-2 Couleurs anormales
Des variations de couleur de l’urine peuvent être observées :
- Urine trouble : suggère la présence d’hématurie, de mucus, ou d’infections bactériennes.
- Urine rouge ou rouge-brune : généralement causée par une hématurie, pouvant résulter de lésions ou d’accidents transfusionnels.
- Urine orange : souvent associée à la présence d’urobiline, dérivé des pigments biliaires.
- Urine jaune-brune ou verte : indique la présence de bilirubine, fréquente dans des pathologies hépatiques ou des obstructions biliaires.
2-3-3 Odeurs anormales
Bien que l’urine normale ait une odeur safranée, certaines affections peuvent provoquer des changements :
- Odeur ammoniacale : typique dans le coma urémique ou lors d’infections urinaires.
- Odeur acétonique : observée dans le diabète de type 1 non contrôlé.
- Odeur putride : associée aux infections urinaires graves.
- Odeur fétide : peut indiquer la présence de cancers du rein ou de la vessie.
- Odeur fécale : signale une fistule vésico-rectale, un passage anormal entre la vessie et le rectum.
2-3-4 Réaction
La réaction de l’urine peut également varier en cas de troubles, devenant alcaline au lieu de rester acide, ce qui peut signaler une infection ou des troubles métaboliques.
III. SURVEILLANCE DES URINES
Le rôle de l’infirmier est primordial dans la surveillance des maladies et des paramètres urinaires. L’infirmier est responsable de la collecte des urines et de l’envoi au laboratoire pour analyses, ainsi que de l’évaluation des résultats au lit du patient.
3-1 Examens d’urine
Les examens urinaires peuvent être classés en quatre grandes catégories :
3-1-1 Examens cytologiques
Ces tests visent à détecter la présence de cellules anormales dans l’urine. Une forte bactériurie peut indiquer une infection des voies urinaires. Les urines doivent être prélevées de manière aseptique, souvent par sonde urinaire, pour éviter la contamination.
3-1-2 Examens parasitologiques
Ces tests recherchent des œufs de parasites dans l’urine. Par exemple, la détection de Schistosoma haematobium est essentielle pour diagnostiquer la bilharziose urinaire, une infection parasitaire pouvant causer des complications rénales.
3-1-3 Examens physiques
Ces examens sont réalisés directement au lit du patient et incluent :
- Volume (diurèse) : la mesure du volume urinaire sur 24 heures permet d’évaluer la fonction rénale.
- Couleur : l’évaluation de la couleur (comme dans l’épreuve des trois verres) peut aider à identifier des anomalies spécifiques.
- Odeur : l’observation de l’odeur de l’urine peut également fournir des indices sur des infections ou d’autres conditions.
3-1-4 Examens chimiques
Ces tests visent à détecter la présence de substances spécifiques dans l’urine, incluant :
- Protéines : la détection d’une concentration anormale peut indiquer une pathologie rénale.
- Glucose : la présence de glucose dans l’urine est un signe clé du diabète sucré.
- Corps cétoniques : leur détection est fréquente dans les cas de diabète mal contrôlé ou de jeûne prolongé.
- Pigments biliaires et sels : leur présence peut signaler des maladies hépatiques ou d’autres troubles métaboliques.
L’appareil urinaire vu de face
Le néphron